ATRACTion : pour changer la donne dans les déficits immunitaires primaires avec auto-immunité ou inflammation

Le projet ATRACTion, porté par le Dr Frédéric Rieux-Laucat à l’Institut Imagine, est l’un des 15 lauréats du quatrième appel à projets "Recherche Hospitalo-Universitaire en santé" du programme Investissement d’Avenir visant à soutenir des projets de recherche innovants et de grande ampleur dans le domaine de la santé. Frédéric Rieux-Laucat explique ce projet qui vise à réduire l’errance diagnostique et à améliorer le pronostic de ces pathologies afin de changer la vie des patients en identifiant les thérapeutiques les mieux adaptées.

Publié le 17.07.2019

Innovation

Qu’est-ce qu’un déficit immunitaire primaire ?

Frédéric Rieux-Laucat : Le système immunitaire est là pour protéger notre organisme contre les pathogènes de l’environnement, pour contrôler l’émergence des cellules tumorales, mais il doit également s’auto-réguler pour éviter la survenue de maladies auto-immunes ou auto-inflammatoires. En raison d’une erreur génétique, ce système peut être défaillant. On parle alors de déficit immunitaire primaire. Cela peut se traduire par des infections répétées ou sévères, par une susceptibilité accrue à certains cancers, et chez au moins un quart des patients, par des manifestations auto-immunes ou inflammatoires. Ces manifestations peuvent parfois mettre en jeu le pronostic vital ou endommager certains organes. A ce jour, on dénombre plus de 350 déficits immunitaires primaires distincts. Ces pathologies touchent un enfant sur 5 000 environ, soit quelques centaines de naissances chaque année, quelques milliers de personnes vivent avec une telle pathologie en France.

Quels sont les principaux enjeux ?

FRL : Les déficits immunitaires primaires apparaissent le plus souvent dès la naissance ou la petite enfance, mais ils peuvent parfois se révéler cliniquement à l’âge adulte. Les symptômes, extrêmement variés et plus ou moins sévères, peuvent conduire à une errance diagnostique et thérapeutique importante. Ils nécessitent le plus souvent un traitement à vie. Dans les formes associées à des inflammations ou des atteintes auto-immunes, il s’agit d’immunosuppresseurs ou d’immunothérapies, soit des thérapies lourdes, avec des effets secondaires non négligeables et dont l’efficacité se réduit au fil du temps. A ce jour on ne sait pas faire la différence entre les diverses formes de déficits immunitaires primaires, ni anticiper leur évolution et les risques encourus. Notre objectif est donc d’utiliser des technologies innovantes, qui s’appuient sur des analyses cellule par cellule, couplées à l’intelligence artificielle, pour mieux diagnostiquer ces pathologies, et notamment les stratifier en fonction des risques, développer des kits pour affiner le pronostic, proposer une application pour accompagner les professionnels de santé dans leurs décisions en termes diagnostiques et thérapeutiques, et mettre au point de nouvelles stratégies thérapeutiques.

Concrètement, comment allez-vous procéder pour changer la donne sur ces pathologies ?

FRL : Grâce à l’Hôpital Necker-Enfants malades AP-HP, nous disposons déjà d’une banque de données unique sur ces pathologies. C’est une source d’information inestimable que nous envisageons d’explorer grâce à des technologies très pointues et novatrices : les analyses sur cellule unique couplées à l’intelligence artificielle.

Si le point de départ de ces pathologies est une altération génétique, les conséquences biologiques varient d’une pathologie à l’autre, voire d’une cellule à l’autre. Ces variations peuvent être la conséquence de régulations géniques, appelées épigénétiques, et de l’environnement microbien (le microbiote) de chaque individu. La force et l’originalité de ce projet sont 1-de réaliser des analyses à l’échelle de la cellule unique, ce qui fera émerger de nouveaux réseaux d’interaction ou de mécanismes dérégulés jusqu’à présent insoupçonnés dans ces pathologies, et 2-d’analyser en parallèle la composition du microbiote et des métabolites qu’il produit. Ces études multiples et l’analyse de ces données gigantesques (big data) par l’intelligence artificielle sont possibles grâce au consortium de ce projet, qui regroupe autour de lui 11 partenaires, académiques (INSERM, APHP, INRA, CEA, Université de Paris) ou industriels (Sanofi et Ariana Pharma). Ce projet ouvre donc la voie à une médecine beaucoup plus personnalisée et à de nouvelles solutions thérapeutiques reposant sur de nouvelles molécules ou le repositionnement de molécules déjà utilisées dans d’autres pathologies.