T-bet, nouvelle tête de pont de la réponse immunitaire innée

Plus de la moitié des malades souffrant de prédisposition mendélienne aux infections mycobactériennes restent sans explication génétique et immunologique de leur maladie. Pourtant, élucider les origines de cette maladie, qui entraîne des manifestations cliniques graves pouvant aller jusqu’au décès suite à une infection par des mycobactéries peu virulentes, ouvre aussi la voie à une meilleure compréhension du système immunitaire.

Publié le 08.12.2020

Accélérer la recherche

En découvrant progressivement les mutations à l’origine du syndrome de prédisposition Mendélienne aux infections mycobactériennes (MSMD), l’équipe de Jacinta Bustamante, pédiatre et immunologiste, maître de conférence-praticien hospitalier de l’Université de Paris au Centre d’Etudes des Déficits immunitaires de l’hôpital Necker Enfants Malades et responsable du groupe MSMD dans le laboratoire de Jean-Laurent Casanova, a permis des avancées cliniques et immunologiques considérables. Jean-Laurent Casanova pédiatre lui aussi, est professeur à l’Université de Paris et à l’Université Rockefeller / Howard Hughes Medical Institute à New York, co-fondateur du Laboratoire de génétique humaine des maladies infectieuses, laboratoire international de l’Inserm organisé en deux branches, l’une au Rockefeller à New York et l’autre à l’Institut Imagine-Hôpital Necker Enfants Malades-AP-PH. Si les mycobactéries de l’environnement ou le vaccin BCG n’entraînent généralement pas de maladie, il arrive rarement que certaines personnes infectées développent des manifestations extrêmement graves. C’est en 1996 que Jean-Laurent Casanova et son équipe ont apporté un premier éclairage à ces réactions graves pouvant aller jusqu’au décès : elles sont dues à une altération génétique qui rend défaillant les mécanismes immunitaires censés les protéger contre ce type précis de microorganismes. Jacinta Bustamante a pris le leadership de ces travaux en 2008. La génétique influence donc la capacité à répondre aux maladies infectieuses. Depuis, les preuves en ce sens n’ont cessé de s’accumuler et de s’étendre à d’autres pathologies comme par exemple la grippe, la tuberculose et la dernière en date : la COVID-19.

MSMD : une mutation qui change tout

En ce qui concerne les MSMD, pas moins de 31 défauts génétiques ont été mises au jour, en rapport avec des mutations dans 16 gènes. Elles altèrent systématiquement le même mécanisme du système immunitaire, à savoir la capacité de production ou de réponse à l’interféron ɣ (IFN-ɣ).

A la différence des autres interférons, qui sont principalement des cytokines anti-virales et qui sont synthétisées par toutes les cellules de l’organisme, IFN-ɣ est synthétisé par les lymphocytes et active principalement les cellules phagocytaires. C’est un acteur clé de la réponse du système immunitaire face aux infections intra-macrophagiques, notamment mycobactériennes. Cette cytokine, synthétisée par plusieurs types de lymphocytes, aussi bien ceux de l’immunité innée, la 1ère ligne de défense qui se met en place dans l’organisme, que ceux de l’immunité adaptative, une réponse certes plus longue à se déclencher mais mieux ciblée. « L’IFN-ɣ coordonne en quelque sorte les réactions de défense suite à une attaque mycobactérienne, explique Jean-Laurent Casanova. Il s’assure du bon flux d’informations et déclenche l’activation d’autres cellules aussi bien de l’immunité innée que de l’immunité adaptative. »

La sévérité de la présentation clinique du syndrome de prédisposition mendélienne aux infections mycobactériennes  ou MSMD dépend des mutations génétiques en cause et de la capacité de celles-ci à moduler l’activité de l’IFN-ɣ. Le Dr Rui Yang dans le groupe de Jacinta Bustamante vient de découvrir une nouvelle mutation génétique responsable d’une forme grave d’infection mycobactérienne et lève ainsi un peu plus le voile sur les mécanismes en jeu dans ce type de réponse immunitaire. Cette mutation touche le facteur de transcription T-bet (TBX21), un gène qui active l’expression d’autres gènes. En l’occurrence, la mutation réduit la production d’IFN-ɣ par les cellules natural killer (NK), des lymphocytes du système immunitaire inné capables de tuer les cellules infectées, et ses équivalents, les iNK. En revanche, aucun effet sur la réponse immunitaire adaptative n’est observé, ce qui laisse présumer l’existence de mécanismes compensant cette défaillance. T-bet est donc essentiel au déclenchement de la réponse innée associant les cellules NK et iNK. En revanche, son rôle dans la réponse adaptative ciblée sur les mycobactéries semble redondant avec un autre mécanisme et cette dernière n’est pas donc pas affectée. Une surprise de cette observation est que T-bet était, sur la base de travaux conduits chez la souris, jusqu’à présent considéré comme un acteur clef de la production d’IFN-ɣ par les lymphocytes T de l’immunité adaptative. Ces travaux chez l’homme montrent que T-bet est essentiel à la production d’IFN-ɣ par les lymphocytes innés et non pas par les lymphocytes adaptatifs.

Cette découverte représente un pas dans la compréhension des MSMD mais aussi dans les mécanismes de la réponse immunitaire.

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Human T-bet Governs Innate and Innate-like Adaptive IFN-γ Immunity against Mycobacteria

Rui Yang at al. Cell 8 décembre 2020