50 ans après, les cellules du premier « bébé bulle » réanalysées

Plus de 30 ans avant la création de l’institut Imagine, ses cofondateurs mettaient en réserve des tissus cellulaires qui permettent aujourd'hui une nouvelle découverte. Ces cellules appartiennent au tout premier patient ayant reçu une greffe de moelle osseuse, en 1972. Leur réanalyse par l’équipe d’Alain Fischer, Professeur d’immunologie pédiatrique à l’hôpital Necker-Enfants Malades AP-HP et cofondateur de l’Institut Imagine, met en évidence une nouvelle voie dans la formation de structures lymphoïdes secondaires après une greffe. Or ces structures sont essentielles dans la réponse immunitaire.

Publié le 15.07.2021

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En deuxième page d’une nouvelle publication parue dans la revue PNAS, on peut voir apparaître le terme « P10 » pour « patient 10 ». Une lettre et deux chiffres énigmatiques a priori. « Ce matricule désigne en fait Michel, le tout premier patient ayant bénéficié en France d’une greffe de moelle osseuse, en 1972. Ce bébé de quelques mois était le patient du Pr. Claude Griscelli, pédiatre, immunologiste et coauteur de cette nouvelle étude », indique Pr. Alain Fischer, Professeur d’immunologie pédiatrique à l’hôpital Necker-Enfants Malades AP-HP et cofondateur de l’Institut Imagine avec Pr. Claude Griscelli. Ce patient était atteint d’un déficit immunitaire combiné sévère, c’est-à-dire qu’il n’avait pas de système immunitaire pour le protéger des infections extérieures. Cela se manifestait notamment par une absence totale d’organes lymphoïdes (ganglions, thymus), structures où sont normalement produites et résident les cellules immunitaires appelées lymphocytes T.

La grande joie d’obtenir une correction du déficit immunitaire par la greffe s’est transformée en une immense déception  

Pr. Claude Griscelli, pédiatre, immunologiste, cofondateur de l'Institut Imagine, dans L'enfant sans défenses (Ed.Humensciences, mars 2021)

Comme le raconte Pr. Claude Griscelli dans son livre L’enfant sans défenses (Humensciences, mars 2021), la greffe de moelle osseuse a eu des effets spectaculaires sur son jeune patient : « une dizaine de jour après l’opération, les lymphocytes autrefois absentes du corps de Michel apparaissent. Trois mois plus tard, le déficit est corrigé. » Ce succès a néanmoins laissé un goût amer. De fait, quelques mois plus tard, Michel meurt de complications neurologiques sans aucun lien avec la greffe. « La grande joie d’obtenir une correction du déficit immunitaire par la greffe s’est transformée en une immense déception », se souvient ainsi le pédiatre. Cette opération pionnière a néanmoins ouvert le champ à une pratique médicale qui a sauvé et continue de sauver de nombreux patients atteints de déficits immunitaires.

Dans cette nouvelle étude parue dans PNAS, l’équipe du Pr. Alain Fischer a réanalysé les tissus biologiques de Michel ainsi que les IRM de neufs patients ayant reçu une greffe de moelle osseuse grâce au Dr. Laureline Berteloot, du service de radiologie de l’hôpital Necker-Enfants Malades AP-HP. Tous étaient atteints d’un déficit immunitaire combiné sévère dû à une mutation des gènes IL2RG et JAK3. Or ces gènes assurent la production de cellules impliquées dans la formation des organes lymphoïdes secondaires, permettant une réponse immunitaire rapide et localisée en cas d’infection. En l'absence de greffe, les patients qui présentent ces mutations ne développent donc pas d’organes lymphoïdes secondaires comme ils le devraient. Mais ce n'est pas une fatalité.

Des cellules issues des archives biologiques réanalysées 50 ans après

« En analysant les IRM ainsi que les cellules du patient de 1972 issues de différents organes, nous avons mis en évidence que la greffe de moelle osseuse engendre le développement de tissus lymphoïdes secondaires dans l’intestin et dans l’appendice, révèle Alain Fischer. Nous avons ainsi mis en évidence une nouvelle voie dans la formation de ces structures. » Cette étude n’aurait pas pu se faire sans la redécouverte par l’équipe du service d’anatomopathologie du Pr. Thierry Jo Molina – des échantillons provenant du patient de Claude Griscelli, parfaitement conservés dans les archives biologiques au sous-sol de l’Hôpital Necker-Enfants malades depuis 50 ans. Prochaine étape ? Elucider les mécanismes qui sous-tendent la formation de ces structures lymphoïdes secondaires.