Découverte de mutations de DOCK11, responsables d’une nouvelle maladie auto-immune liée à l’X

Comment un défaut du squelette cellulaire conduit à une dérégulation de la réponse immunitaire :
Dans une nouvelle étude publiée dans la revue Blood, des chercheurs de l’équipe « Immunogénétique des maladies auto-immunes pédiatriques » à l’Institut Imagine (Inserm, APHP, Université Paris Cité) en collaboration avec l’Université Paris-Saclay, ont démontré l’impact de mutations du gène DOCK11 sur la morphologie et la taille des lymphocytes en conséquence d’un défaut de remodelage de leur cytosquelette (le squelette moléculaire des cellules). Ces mutations ont été découvertes chez des enfants souffrant de manifestations auto-immunes variées et parfois sévères.

Publié le 07.04.2023

Accélérer la recherche

En mettant à profit la période de confinement de mars 2020 pour analyser les séquençages de l’ADN de patients atteints de maladies auto-immunes précoces, Laure Delage, de l’équipe de Frédéric Rieux-Laucat, a identifié les premiers variants du gène DOCK11, chez plusieurs enfants. Ces maladies se manifestent par des attaques du système immunitaire contre les plaquettes ou les globules rouges, la peau ou l’intestin. Des mutations de gènes de la famille DOCK (Dedicator of cytokinesis), DOCK2 et DOCK8, associées à des infections virales sévères, étaient déjà connues pour leur rôle central dans la régulation du cytosquelette d’actine, structure évolutive permettant la déformation et la migration des cellules. Un rôle similaire de DOCK11 était jusque-là suspecté, mais très peu d’études avaient été publiées sur sa fonction.

Dans ses travaux publiés dans la revue Blood [1], l’équipe du Dr Rieux-Laucat décrit pour la toute première fois l’association des mutations de DOCK11 avec des maladies auto-immunes observées chez de jeunes garçons. Après la découverte de ces mutations, Charlotte Boussard s’est lancée dans l’étude des caractéristiques morphologiques et fonctionnelles des plaquettes de patients, en collaboration avec l’équipe de Frédéric Adam, de l’UMR S1176 au Kremlin-Bicêtre. Les scientifiques ont pu observer un état de « pré-activation » des plaquettes, avec une activité réduite de CDC42, une protéine centrale dans le remodelage du cytosquelette d’actine. Ces observations ont confirmé le rôle causal des mutations de DOCK11.

En collaboration avec l’équipe du Dr Fernando Sepulveda, co-directeur du laboratoire « Bases moléculaires des anomalies de l’homéostasie immunitaire » à l’institut Imagine, les chercheurs ont mesuré la vitesse de migration à travers des micro-canaux de certaines cellules immunitaires (lymphocytes T et B) porteuses de ces mutations. Résultat : la vitesse de migration est augmentée, traduisant un remodelage anormal du cytosquelette d’actine. Parallèlement, Charlotte Boussard et Laure Delage ont observé ces cellules immunitaires en microscopie électronique et confocale et ont montré une architecture cellulaire anormale (voir photo) par rapport aux lymphocytes de donneurs sains.

La cellule mutée présente une forme anormale (contrôle à droite)
La cellule mutée présente une forme anormale (contrôle à droite)

En étudiant les lymphocytes T régulateurs, les cellules empêchant le développement d’une réponse auto-immune, l’équipe a également détecté un niveau anormalement bas du facteur de transcription FOXP3. Cette protéine, connue pour être affectée dans d’autres maladies auto-immunes précoces et sévères, est essentielle à la fonction protectrice de ces lymphocytes régulateurs. Cette observation pourrait être la conséquence d’un défaut de réponse à l’interleukine-2, un facteur de croissance des lymphocytes, dont les lymphocytes T régulateurs sont particulièrement dépendants.

L’ensemble de ces résultats a démontré le rôle causal des mutations du gène DOCK11 dans les anomalies de morphologie cellulaires et la dérégulation immunitaire conduisant à l’apparition précoce de maladies auto-immunes. Les symptômes dus aux mutations du gène DOCK11 n’ont été observés que chez les jeunes garçons, car le gène est porté par le chromosome X. A ce jour, plus de 15 mutations ont été caractérisées à l’Institut Imagine ; ces travaux pionniers décrivant une nouvelle cause de maladie auto-immune, les centres partenaires de l’Institut vont maintenant pouvoir diagnostiquer la maladie à leur tour. Grâce à l’effort conjoint des cliniciens et des chercheurs, et à la volonté des familles, un nouveau champ d’investigation pour les maladies auto-immunes s’est ouvert au bénéfice des enfants suivis à I’Institut et de par le monde.

[1] https://doi.org/10.1182/blood.2022018486

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