Découverte d’une nouvelle cause génétique de déficience intellectuelle

La déficience intellectuelle touche 1 à 2% de la population, qu’elle soit isolée ou accompagnée d’autres symptômes. Ses causes sont extrêmement hétérogènes rendant le diagnostic, posé dans environ la moitié des cas, complexe et difficile. Cherchant à identifier la cause d’une séquence de Pierre Robin associée à une épilepsie et une déficience intellectuelle chez une patiente, l’équipe de recherche dirigée par Jeanne Amiel à l’Institut Imagine, a découvert un nouveau gène de la déficience intellectuelle. Les résultats, publiés dans la revue scientifique American Journal of Human Genetics, permettront une accélération diagnostique chez les patients concernés et l’espoir de thérapies innovantes ciblées.

Publié le 21.05.2021

Accélérer la recherche

De la recherche sur la séquence de Pierre Robin à la découverte d’une cause génétique de déficience intellectuelle

L’histoire commence il y a 18 ans avec une jeune patiente hospitalisée pour une séquence de Pierre Robin, une pathologie qui se caractérise par une malformation de la face associant un petit menton en arrière et une fente du palais entrainant des difficultés alimentaires et respiratoires chez le nouveau-né. La patiente souffre également d’épilepsie, d’un retard de développement moteur, et d’une déficience intellectuelle. Cette patiente est suivie en Pédiatrie à l’Hôpital Necker-Enfants Malades AP-HP depuis sa naissance via le centre de référence SPRATON.

Le laboratoire de recherche d’embryologie et génétique des malformations, dirigé par le Pr Jeanne Amiel à Imagine, a réalisé un séquençage d’exome de la patiente et de ses deux parents et identifié un variant de novo dans le gène ANKRD17 non encore décrit en pathologie humaine. Grâce à des collaborations internationales reposant sur le partage de données génomiques, une cohorte de 34 patients a été constituée en quelques mois.

Les variants de ce gène entrainent un retard de développement/déficience intellectuelle constant mais de sévérité variable affectant particulièrement le langage. Les autre signes sont inconstants et comprennent un retard de croissance, des difficultés d'alimentation, des anomalies non spécifiques à l’IRM cérébrale, une épilepsie et/ou un EEG anormal, une prédisposition aux infections récurrentes, des anomalies ophtalmologiques, des troubles de la démarche/de l'équilibre, une hyper mobilité articulaire, ainsi que des traits morphologiques peu spécifiques.

Alors que nous cherchions une cause génétique à la séquence de Pierre Robin associée à d’autres symptômes comme l’épilepsie, nous avons identifié une forme monogénique rare de déficience intellectuelle. Celle-ci est le dénominateur commun à tous ces patients et la séquence de Pierre Robin est rare, retrouvée chez 2 des 34 patients rapportés. Cette mutation apparait de novo, c’est-à-dire qu’elle est propre à l’enfant et qu’aucun des parents ne la porte  

Jeanne Amiel, Directrice du laboratoire d'embryologie et génétique des malformations

La déficience intellectuelle, des causes génétiques très hétérogènes

Rares et hétérogènes, c’est ce qui caractérise les causes génétiques monogéniques de la déficience intellectuelle (DI). Véritable enjeu de santé publique, touchant 1 à 2% de la population, la DI se présente de manière isolée ou  syndromique associant des signes cliniques, radiologiques ou biologiques plus ou moins discriminants.

« Il existe aujourd’hui plus de 500 causes monogéniques de déficience intellectuelle isolée ou syndromique. Chaque variant génétique est rare. Par exemple,  la mutation du gène FMR1 à l’origine du Syndrome de l’X fragile, première cause de déficience intellectuelle héréditaire n’explique pourtant qu’1% des cas de DI. Ici, avec le gène ANKRD17, nous sommes plutôt aux alentours de 1 pour 1000 », explique Christopher Gordon, auteur de l’étude. « Il s’agit ici d’un groupe de gènes dont la fonction n’est pas toujours liée au développement du système nerveux central, ce qui a compliqué le diagnostic ».

Un pas supplémentaire vers le diagnostic

Le diagnostic, nommer la cause d’une maladie ou d’un trouble, est une étape essentielle pour les patients et leur famille, mais aussi pour mieux comprendre la maladie, et espérer un jour, pouvoir la traiter. L’étude a permis de montrer que des mutations perte de fonction de ce gène sont responsables de DI chez l’Homme. Cette publication permettra de gagner un temps considérable pour  le diagnostic de cette forme de déficience intellectuelle si une mutation de novo est identifiée chez un patient.

Cette découverte pourrait aussi stimuler des recherches plus approfondies sur le rôle de ce gène en particulier et de cette famille de gènes en général au cours du développement cérébral dans d’autres équipes spécialisées. L’équipe du Dr Maya Chopra, qui exerce actuellement au Rosamund Stone Zander Translational Neuroscience Center / Harvard Medical School du Boston Children's Hospital, qui a co-mené cette étude pendant un séjour de deux ans à Imagine, va poursuivre des travaux cliniques et de recherche fondamentale en étudiant de nouveaux patients et en établissant des modèles à partir de cellules IPS de patients.

C’est une première étape et c’est toute la démarche de l’Institut Imagine qui est illustrée ici. Nous partons du patient, ici une jeune fille suivie depuis sa naissance à l’Hôpital Necker-Enfants malades AP-HP. Nous identifions de nouveaux gènes qui génèrent des travaux de recherche qui accélèrent le diagnostic pour d’autres patients, et permettent d’améliorer le conseil génétique et le soin  

Jeanne Amiel, Directrice du laboratoire d'embryologie et génétique des malformations