Publié le
Dans leur dernière publication parue dans la prestigieuse revue scientifique Nature, le laboratoire de Génétique Humaine des Maladies Infectieuses de l’Institut Imagine (Inserm, AP-HP, Université Paris Cité) et de l’Université Rockefeller et le laboratoire des Erreurs Innées de l’Immunité de l’Université d’Antioquia (Colombie, Amérique du Sud) ont mis en évidence le rôle crucial, et extrêmement ciblé, de la cytokine pro-inflammatoire TNF dans des cas de tuberculose pulmonaire récurrente. Ces travaux ont également permis d’établir le rôle majeur des réactifs dérivés de l’oxygène (ou Reactive Oxygene Species, ROS) dépendant du TNF au niveau des macrophages alvéolaires pour la réponse à l’infection par Mycobacterium tuberculosis.
La tuberculose est une maladie infectieuse commune, causée par une mycobactérie nommée Mycobacterium tuberculosis. Environ 10 millions d’individus développent la tuberculose chaque année dans le monde, dans tous les pays et pour toutes les tranches d’âge. Cette infection cause la mort de près d’1,5 millions d’individus par an, bien que la maladie soit traitable. Le traitement reste lourd, et les souches bactériennes sont de plus en plus résistantes aux antibiotiques actuels. Le vaccin BCG, administré aux nourrissons à titre préventif, est protecteur pour la tuberculose méningée du très jeune enfant mais très peu ou pas du tout contre la forme contaminante, la tuberculose pulmonaire de l’adulte. Cette maladie est un problème majeur de santé publique mondiale.
Dr Andrés Arias et Dr Anna-Lena Neehus, sous la direction du Dr Laurent Abel, du Dr Jacinta Bustamante, du Pr José Franco Restrepo, du Pr Jean-Laurent Casanova et du Dr Stéphanie Boisson-Dupuis ont mis en évidence une nouvelle lésion génétique prédisposant à la tuberculose. Ces résultats viennent d’être publiés dans la prestigieuse revue scientifique Nature. Lors de cette étude collaborative internationale menée par le Dr Boisson-Dupuis, les chercheurs ont suivi deux patients adultes issus d’une même famille originaire de Colombie, et atteints de tuberculose pulmonaire récurrente.
L’analyse génétique de ces patients a permis d’identifier un variant rare inactivant totalement le gène TNF. Ce gène code la protéine du même nom, impliquée dans la réponse inflammatoire. Etonnamment, le suivi médical de ces deux patients démontre in vivo chez l’homme que le rôle de la protéine TNF est indispensable à la réponse immunitaire face à la tuberculose mais apparemment redondant pour d’autres infections. Les travaux de l’équipe ont permis de focaliser le dysfonctionnement de la protéine TNF spécifiquement dans les macrophages, les cellules immunitaires dites « phagocytaires », capables d’internaliser et digérer les microbes, présents au niveau des alvéoles pulmonaires. La déficience en TNF empêche la production de réactifs dérivés de l'oxygène (ROS, ou Reactive Oxygen Species), des radicaux libres produits par la cellule pour éliminer les éléments pathogènes internalisés par les macrophages.
L’importance du TNF pour la production de ces ROS, et donc de la réponse immunitaire, a été démontrée dans plusieurs modèles cellulaires dans le laboratoire : les macrophages maturés avec le facteur de croissance GM-CSF (notamment les macrophages alvéolaires), dérivés des cellules des patients ou provenant de cellules souches pluripotentes induites (dites iPSc), et les macrophages pulmonaires « normaux » traités avec des anticorps anti-TNF. Le TNF est toutefois étonnamment redondant, notamment pour la production de ROS dans les autres types de phagocytes, comme les neutrophiles et macrophages maturés avec du M-CSF, ce qui explique le phénotype clinique très restreint des patients. Ces données permettent également de comprendre la vulnérabilité des patients traités avec des anti-TNFs.
La compréhension des mécanismes de défense immunitaire face la tuberculose est une avancée majeure en terme de diagnostic et de traitement (développement de traitements, curatifs ou préventifs) face à cette maladie endémique. Ces travaux ont confirmé que l’activité de TNF est surtout indispensable au niveau pulmonaire. Certains types de traitements, sous forme d’aérosols, pourraient être envisagés pour apporter directement aux poumons le médicament nécessaire pour protéger, ou au moins soulager, les personnes plus sensibles à cette bactérie et à des formes graves de cette maladie.
Référence : Tuberculosis in otherwise healthy adults with inherited TNF deficiency, Arias et al., Nature, 2024
DOI : 10.1038/s41586-024-07866-3
Contact chercheurs :
Dr Stéphanie Boisson-Dupuis, DR2 Inserm, Université Paris Cité, Inserm U1163 Institut Imagine, Université Rockefeller
Dr Jacinta Bustamante, MCU-PH, Université Paris Cité, Theme leader- Inserm U1163 Institut Imagine, Centre d’Etudes de Déficits Immunitaires, Hôpital Necker Enfants Malades, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP)
Pr Jean-Laurent Casanova, PU-PH, Université Paris Cité et Université Rockefeller, Inserm U1163 Institut Imagine, Hôpital Necker Enfants Malades, AP-HP, co-fondateur du Laboratoire de Génétique Humaine des Maladies Infectieuses