Néphronophtise : une molécule prometteuse

Dans une nouvelle étude publiée dans le journal The Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), l’équipe du laboratoire « Maladies rénales héréditaires », dirigée par Sophie Saunier, à l’Institut Imagine (Inserm, APHP, Université Paris Cité), en collaboration avec la startup Medetia, sont parvenues à identifier une série de molécules prometteuses dans le traitement de la néphronophtise, première cause génétique d’insuffisance rénale terminale chez l’enfant. Ce travail s’inscrit dans le projet de recherche hospitalo-universitaire C’IL-LICO (RHU3).

Publié le 18.05.2022

Accélérer la recherche

Depuis plus de 25 ans, le laboratoire des Maladies rénales héréditaires a identifié une trentaine de gènes responsables de trois maladies rares du rein touchant particulièrement les enfants : la cystinose, le syndrome néphrotique cortico-résistant et la néphronophtise. Cette dernière appartient à la famille des « ciliopathies », des maladies causées par des mutations de gènes codant des protéines du cil primaire, une sorte d’antenne présente à la surface de la plupart de nos cellules.

« La néphronophtise est la première cause génétique d’insuffisance rénale terminale chez l’enfant », souligne Sophie Saunier, directrice du laboratoire. Chez ces patients, l’unité fonctionnelle du rein assurant la filtration du sang et la production d’urines – le néphron – est altérée. Cette maladie affecte notamment les tubules du néphron qui concentrent l’urine et réabsorbent le sodium, conduisant au développement d’une fibrose rénale, de kystes et d’une inflammation. Les symptômes sont une grande fatigue, une anémie, un retard de croissance et une dégradation progressive de la fonction rénale.  A terme, la destruction des reins est inévitable car il n’existe pas de traitement. Les enfants doivent alors subir des dialyses à répétition ou une transplantation rénale, avec des évolutions inégales selon les cas.

La néphronophtise est la première cause génétique d’insuffisance rénale terminale chez l’enfant  

Sophie Saunier, directrice du laboratoire des Maladies rénales héréditaires

Or dans une nouvelle étude publiée dans la revue PNAS, Sophie Saunier, son équipe – en particulier les premiers co-auteurs, Hugo Garcia, Alice Sérafin et Flora Silbermann – en partenariat avec la startup Medetia, hébergée au sein de l’Institut Imagine, ont identifié une voie de signalisation et une série des molécules prometteuses dans le traitement de la néphronophtise [1].

Stimuler la repousse des cils, une stratégie prometteuse

 « Dans la majorité des cas, cette maladie est due à des mutations du gène NPHP1 codant une protéine localisée au niveau du cil primaire. Cela se traduit par des défauts de formation et/ou de fonction des cils dans les cellules du néphron, puis une altération progressive de la fonction du néphron », explique Sophie Saunier. « Pendant longtemps, les biologistes ont pensé que ce type de cil n’était qu’un vestige de l’évolution sans grande utilité. Mais les chercheurs se sont rendus compte qu’il joue en réalité un rôle essentiel dans la signalisation cellulaire et la fonction de nombreux organes (rein, rétine, os, cerveau)», ajoute  Alexandre Benmerah, chercheur au sein du laboratoire.

Et pour cause, le cil est un capteur mécanique et biochimique permettant à la cellule de glaner des informations sur son environnement proche. De ce constat est née l’idée de restaurer le cil primaire chez les enfants atteints de néphronophtise. « Pour y arriver, nous avons analysé in vitro l’effet de 1 120 composés approuvés par différentes agences médicales (FDA, EMA et autres) sur des cellules avec la mutation NPHP1. Résultat : 51 présentaient un effet bénéfique sur la ciliogenèse, c’est-à-dire la repousse des cils », explique Sophie Saunier. Restait à identifier la plus efficace et la plus pertinente. 

Prostaglandine E1 : la meilleure molécule candidate

C’est notamment pour ce travail que Medetia a joué un rôle essentiel en apportant son savoir-faire pour évaluer l’efficacité des premiers composés candidats en tant qu’agents pharmacologiques. Ensemble, les deux équipes ont montré qu’une molécule appelée prostaglandine E1 (PGE1) était particulièrement efficace pour restaurer la ciliogenèse et/ou la longueur des cils à la fois dans des cellules issues d’urines de patient, mais aussi, chez des animaux modèles comme le poisson zèbre et la souris. De plus, ils ont montré que les dérivés des prostaglandines pouvaient diminuer les lésions des tubules du néphron mais aussi améliorer la dégénérescence de la rétine chez les animaux, une manifestation clinique observée aussi chez l’homme.

« Nous sommes persuadés que cette découverte pourrait bénéficier non seulement aux patients atteints du néphronophtise mais aussi à d’autres patients avec une ciliopathie touchant notamment l’œil », précise Jean-Philippe Annereau, CEO et co-fondateur de Medetia.

Nous sommes persuadés que cette découverte pourrait bénéficier non seulement aux patients atteints de néphronophtise mais aussi à d’autres patients avec une ciliopathie touchant notamment l’œil   

Jean-Philippe Annereau, CEO et co-fondateur de Medetia

« Cette découverte est le fruit d’une vraie synergie entre nos équipes et celles de Sophie Saunier. C’est un bel exemple de partenariat public-privé dans le sens où nous avons réellement travailler ensemble tous les jours, toutes les semaines, depuis août 2015, en misant sur notre complémentarité », expliquent Jean-Philippe Annereau et Luis Briseño-Roa, co-confondateurs de Medetia.

La prochaine étape ? Montrer l’efficacité de cette molécule sur les symptômes de la néphronophtise en développant des modèles plus proches encore de la maladie observée chez les patients. Le laboratoire développe ainsi des modèles innovants : des organoïdes, sorte de néphrons miniatures produits in vivo à partir de cellules souches de patients. Ces mini-organes en 3D sont une aubaine car ils reproduisent en partie la complexité du fonctionnement d’un vrai rein malade, avec des lésions typiques de la néphronophtise (défaut de réabsorption des solutés, développement de fibrose et/ou de kystes rénaux). « Cela en fait un modèle robuste pour tester à la fois la toxicité et l’efficacité de la PGE1 », prévoit Sophie Saunier. Affaire à suivre donc !

[1] H.Garcia, A.Serafin, F. Silbermann et al., PNAS, 2022