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La latéralité gauche-droite de l'embryon est essentielle à la formation des organes viscéraux, qui sont asymétriques. Les anomalies du processus de latéralisation conduisent au syndrome d'hétérotaxie, une affection grave comprenant des malformations cardiaques complexes qui peuvent être fatales. Les mécanismes de la rupture de symétrie pendant le développement embryonnaire sont maintenant bien établis chez la souris : des cils motiles présents à la surface des cellules de l’embryon, au niveau du « nœud organisateur gauche-droite », génèrent un flux de liquide vers la gauche. Ce flux est détecté par des cellules spécifiques, qui grâce à ce signal vont synthétiser de manière asymétrique dans l’embryon le déterminant gauche Nodal. Des altérations génétiques de la formation du nœud, de la formation des cils ou de la signalisation Nodal sont ainsi associées à l'hétérotaxie chez la souris et l'Homme.
Le cœur est le premier organe à subir une morphogenèse asymétrique dans l'embryon. Sigolène Meilhac, qui dirige le laboratoire « Morphogénèse du cœur » à l’Institut Imagine (Inserm, AP-HP, Université Paris Cité), et son équipe ont déjà montré qu’en absence de Nodal, les asymétries sont présentes, mais réduites, et la forme du tube cardiaque (le cœur embryonnaire) est anormale. Cela indique que Nodal n'est pas toujours nécessaire pour initier l'asymétrie et qu'il existe d'autres facteurs d'asymétrie en plus de la signalisation Nodal.
Dans le cadre de leurs travaux, dont les résultats ont été publiés récemment dans PlosBiology, les chercheurs se sont concentrés sur l'expression asymétrique des gènes au cours du développement embryonnaire. En comparant des échantillons gauches et droits, ils ont révélé que Notch3 est un nouveau gène enrichi à gauche de l’embryon. Notch3, membre de la famille des récepteurs Notch, est déjà connu pour son rôle dans la formation des muscles lisses des artères, par exemple dans le syndrome de CADASIL, une maladie génétique touchant les petits vaisseaux sanguins au niveau du cerveau. L’équipe de Sigolène Meilhac a maintenant montré que Notch3 est exprimé dans les cellules cardiaques et co-exprimé avec Nodal. La simple mutation de Notch3 ne cause pas d’hétérotaxie, mais génère des anomalies du ventricule, de la valve aortique, de la septation (cloisonnement) cardiaque et de l'artère coronaire. En revanche la mutation de Notch3 aggrave le phénotype des mutants Nodal, montrant son rôle comme gène modificateur des défauts de latéralité.
Dans une cohorte de patients, les chercheurs ont également identifié de nouveaux variants rares du gène NOTCH3, associées à deux types d’anomalies cardiaques : similaires à celles observées chez la souris mutante pour Notch3 ou similaires à celles observées dans l'hétérotaxie.
Ces résultats sont donc cruciaux pour démontrer deux nouveaux rôles de Notch3, à la fois dans le développement du cœur et dans la latéralité gauche-droite. Chez l'homme, NOTCH3 a jusqu'à présent été principalement associé à des anomalies neurales et vasculaires, dans les syndromes de CADASIL, Sneddon et de méningocèle latérale, des maladies génétiques rares. Or, de rares patients avec un syndrome de méningocèle latérale présentaient également des anomalies cardiaques, dont l’origine était restée énigmatique. Les travaux de l’équipe de Sigolène Meilhac montrent que les souris mutantes pour Notch3 présentent les mêmes défauts cardiaques que ces patients. Ainsi ces travaux apportent un nouvel éclairage sur les mécanismes de développement et de latéralisation du cœur, et élargissent le spectre des malformations associées à NOTCH3 chez les patients.
Référence : Notch3 is an asymmetric gene and a modifier of heart looping defects in Nodal mouse mutants
Tobias Holm Bønnelykke et al., Plos Biology, 2025
https://doi.org/10.1371/journal.pbio.3002598
Corresponding author : Sigolène Meilhac