Tout savoir sur la maladie cœliaque et ses complications

Maladie de l’intestin provoquée par la consommation de gluten, la maladie cœliaque souffre d’un déficit de diagnostic. Elle affecte pourtant 1% de la population. Seul un régime strict sans gluten permet de la traiter. Il guérit les symptômes et protège des complications notamment ostéoporose, infertilité, maladies auto-immunes et des complications malignes.

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  • Immunologie

La maladie cœliaque est au cœur des recherches de Nadine Cerf-Bensussan depuis de nombreuses années et pour cause, cette directrice de recherche Inserm, responsable d’un laboratoire à Imagine, est spécialiste des liens entre système immunitaire et intestin. Aujourd’hui considéré comme un acteur clé de notre immunité, l’intestin a longtemps était délaissé par les immunologistes et pourtant avec ses 50 m2, c’est par sa surface, la première barrière avec le monde extérieur. Il forme un écosystème complexe composé de milliards de bactéries, le fameux microbiote, qui se développe après la naissance et dont la composition est très largement influencée par notre alimentation et de nombreux facteurs de l’environnement. Dès lors que la coopération entre les cellules qui tapissent la paroi de l’intestin et celles du système immunitaire se détériore, le risque d’inflammation ou de tout autre dommage est grand, comme l’illustre la maladie cœliaque. 

Nadine Cerf-Bensussan
Nadine Cerf-Bensussan © Laurent Attias

Maladie cœliaque : une maladie mal diagnostiquée

On estime qu’1% de la population caucasienne est concernée par la maladie cœliaque, ou intolérance au gluten. En France, 0,5 à 1% de la population de la population serait touchée, soit 300 000 à 600 000 personnes. « Comme pour les autres, les maladies inflammatoires et chroniques et sur la base des études réalisés dans le monde, l’incidence a probablement été multipliée entre 2 à 4 fois au cours des 50 dernières années » fait remarquer Nadine Cerf-Bensussan. Des variations géographiques existent toutefois et ce, en fonction de facteurs génétiques et de la consommation de gluten. 

Le diagnostic, relativement simple, consiste en une analyse de sang pour détecter le taux d'anticorps anti-transglutaminase suivie d’une confirmation par fibroscopie intestinale pour montrer les lésions intestinales typiques et les atrophies villositaires, ce qui n’empêche pas que la maladie cœliaque soit largement sous-diagnostiquée.

Le mécanisme de la maladie est aujourd’hui bien compris. Il est lié à la destruction de la muqueuse intestinale par le système immunitaire réduisant les fonctions de digestion de l’intestin et expliquant les symptômes de la maladie. Ces replis qui recouvrent l’intestin augmentent la surface d’absorption des nutriments ; leur disparition est à l’origine de la plupart des symptômes de la maladie cœliaque, à savoir diarrhées chroniques, des douleurs abdominales récurrentes, des ballonnements, un amaigrissement, des anémies, avec parfois, des manifestations extra-intestinales. Ces troubles peuvent s’accompagner d’ostéoporose, de rhumatisme, de dermatite herpétiforme, de manifestations neurologiques, de problèmes d’infertilité, mais aussi de maladies auto-immunes de type diabètes de types I et thyroïdite.

Cette maladie génétique et 6 000 autres
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Maladie cœliaque : une maladie immunitaire

La maladie cœliaque est due à une réponse inappropriée du système immunitaire face aux protéines du gluten. Le gluten correspond à la fraction insoluble dans l’eau des farines de blé, d’orge, de seigle, d’épeautre. Il forme cette masse visco-élastique que l’on obtient en mélangeant la farine avec de l’eau et qui sert à faire le pain, les pâtes et les gâteaux. « Les protéines présentes dans le gluten sont partiellement digérées par l’intestin sous forme de peptides qui peuvent pénétrer la barrière intestinale et chez les personnes souffrant de maladie cœliaque, activer une réponse immunitaire, » explique Nadine Cerf-Bensussan. Toutefois cette réaction n’est observée que chez les personnes génétiquement prédisposées et porteuses des molécules HLA-DQ2 et HLA-DQ8. Ces deux protéines permettent de présenter les peptides du gluten aux cellules du système immunitaire et plus particulièrement aux lymphocytes T CD4+. La coopération entre ces lymphocytes T CD4 activées par le gluten et un facteur soluble produit en excès dans l’intestin des patients, IL-15, conduit à l’activation de cellules tueuses (CD8), capables de détruire l’épithélium intestinal.

« De nombreuses interrogations demeurent toutefois quant aux mécanismes qui conduisent au déclenchement de la maladie seulement chez une petite fraction des sujets prédisposés. Les travaux en cours recherchent le rôle de facteurs génétiques complémentaires ou environnementaux en particulier des infections virales. Le rôle du microbiote est aussi évoqué, mais reste mal compris » complète la chercheuse.

Un seul traitement la suppression du gluten

A ce jour, le seul traitement efficace et reconnu de la maladie cœliaque est un régime sans gluten strict à vie. Il permet la disparition des symptômes, des anticorps et une restauration progressive de la muqueuse intestinale. Le régime sans gluten ne doit toutefois débuter qu’une fois le diagnostic clairement établi du fait de la disparition des anticorps, il devient en effet difficile à établir après régime.  

Ce régime très contraignant serait mal suivi par plus de 40 % des patients suscitant un nombre croissant de travaux pour identifier des traitements médicamenteux. Plusieurs pistes sont à l’étude, mais elles n’ont pas encore fait la preuve de leur efficacité.

Quand la maladie est résistante au régime sans gluten

Gluten
© DR

Chez environ 0,5 % des patients, les lésions intestinales ne guérissent pas malgré un régime sans gluten très strictement suivi indiquant l’apparition d’une maladie cœliaque réfractaire. Les travaux réalisés par l’équipe Nadine Cerf-Bensussan, en étroite collaboration avec le réseau CELAC, ont contribué à élucider les mécanismes de résistances dans les maladies cœliaques réfractaires. Chez la moitié des patients, la résistance au régime révèle un lymphome qui évolue d’abord à bas bruit puis peut se transformer en un lymphome invasif de très mauvais pronostic.

Grâce à la recherche, la cellule immune à l’origine du lymphome a pu être identifiée, ce qui a permis de proposer des marqueurs facilitant le diagnostic de ces lymphomes. Il a aussi été montré que les cellules malignes acquièrent des mutations dans des voies de signalisation (JAK1/STAT3) qui favorisent leur expansion dans le tissu inflammatoire intestinal, et notamment leur réponse à l’IL-15. Ces travaux suggèrent plusieurs pistes thérapeutiques en cours d’étude.

Ces dernières années, des progrès considérables ont été effectués dans le décryptage des mécanismes de la maladie cœliaque et d’une de ses complications les plus graves, la maladie cœliaque réfractaire. Ils ont permis de faire le point sur l’ensemble des pistes thérapeutiques en cours d’exploration visant les unes à remplacer le régime dans la maladie cœliaque non compliquée, les autres à traiter les formes résistantes. Le défi est désormais de démontrer leur bénéfice pour les patients.