Un nouveau vecteur bifonctionnel de thérapie génique pour la drépanocytose

Mégane Brusson, de l’équipe « Chromatine et régulation génique au cours du développement » d’Annarita Miccio à l’Institut Imagine (Inserm, APHP, Université Paris Cité) vient de mettre au point une nouvelle approche de thérapie génique, dite bi-fonctionnelle, car basée à la fois sur l’addition et l’extinction génique. Ce double mécanisme permet de corriger le phénotype falciforme des globules rouges drépanocytaires de façon plus conséquente que la stratégie n’utilisant que l’addition génique.

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La drépanocytose est une maladie génétique due à une mutation du gène de la globine β, qui s’associe normalement par groupe de 4 molécules pour former l’hémoglobine. La forme mutée de la globine (appelée globine βS) mène à la production d’hémoglobine drépanocytaire toxique (dite HbS). La forme anormale adoptée par cette protéine déforme les globules rouges, qu’on dit alors « en faucille », ce qui entraine des anémies, des occlusions douloureuses des vaisseaux sanguins et un risque accru d’infections.

Les approches de thérapie génique représentent une solution thérapeutique pour ces patients. Elles reposent sur la transplantation de cellules souches et progéniteurs hématopoïétiques (responsable de la production de toutes les cellules du sang, dont les globules rouges), génétiquement modifiées pour exprimer la globine βAS thérapeutique (on parle d’addition génique), ce qui permet de limiter la déformation en faucille des globules rouges. Bien que prometteuses, ces approches sont faiblement efficaces pour les patients drépanocytaires qui présentent des niveaux élevés et toxiques d’HbS.

Dans ses travaux publiés dans Molecular Therapy Nucleic Acids, Mégane Brusson de l’équipe d’Annarita Miccio a développé une nouvelle approche de thérapie génique pour renforcer l’efficacité du traitement : en exprimant simultanément la globine thérapeutique βAS et un microARN artificiel (miRNA) qui va réduire spécifiquement les niveaux d'HbS. Ce traitement va favoriser l'incorporation de la globine βAS dans les molécules d'hémoglobine et produire des quantités plus élevées d’hémoglobine « thérapeutique » HbAS.

Pour réussir cela, l’équipe a développé un vecteur lentiviral bi-fonctionnel porteur de ces deux fonctions. Cette stratégie thérapeutique a permis une diminution substantielle des niveaux d’HbS toxique et une augmentation simultanée des niveaux d’HbAS thérapeutique ; dans les globules rouges corrigés, cette hémoglobine thérapeutique permet une correction plus efficace du phénotype en faucille des globules rouges drépanocytaires, surpassant les effets de la stratégie basée uniquement sur l’addition génique.

De plus, ils ont aussi montré que cette approche n’altère pas les propriétés des globules rouges et qu’elle est stable à long terme, ce qui représente des étapes importantes dans le développement d’une stratégie thérapeutique.

L’induction d’un gène et l’extinction d’un second, de manière simultanée au moyen d’un vecteur lentiviral, constitue donc une piste très fiable pour améliorer l'efficacité de l’approche par thérapie génique. Ces travaux ouvrent la voie à des essais cliniques pour traiter la drépanocytose, maladie qui aujourd’hui concerne encore environ 300 000 naissances par an dans le monde.