Alain Hovnanian

Maladies génétiques cutanées : des mécanismes physiopathologiques aux traitements

Publié le 18.11.2019

Présentation

Maladies génétiques de la peau : du mécanisme de la maladie à la thérapie

La peau forme une barrière mécanique et immunitaire qui est essentielle à la survie de l'organisme. Notre équipe étudie plusieurs maladies génétiques graves de la peau survenant chez les enfants et les adultes et dans lesquelles ces fonctions de protection sont fortement altérées. Il s'agit notamment de maladies rares, monogéniques et orphelines, dont les gènes ont été identifiés par notre laboratoire : épidermolyse bulleuse dystrophique, syndrome de Netherton, maladie de Darier, maladie de Hailey-Hailey, mais aussi de maladies cutanées inflammatoires fréquentes et polygéniques telles que l'hidradénite suppurée et le psoriasis. Nos projets visent à mieux comprendre les mécanismes moléculaires impliqués dans ces maladies, à identifier les facteurs responsables de leur variabilité phénotypique afin de développer de nouvelles stratégies thérapeutiques utilisant la thérapie génique et cellulaire, le remplacement des protéines, les petites molécules et/ou les approches pharmacologiques.

Biothérapies, gènes modificateurs et modèles de souris pour l'épidermolyse bulleuse dystrophique (EBD)

Nous mettons en œuvre un premier essai de thérapie génique ex vivo de phase I/II pour une forme récéssive d’EBD en utilisant des greffes autologues génétiquement corrigées avec un vecteur rétroviral fiable et auto-inactivable (SIN) exprimant le collagène de type VII (médicament orphelin). Ce premier essai clinique chez l'homme sera essentiel pour évaluer la sécurité, l'efficacité et le potentiel de cette approche thérapeutique. Les autres approches développées par l'équipe comprennent la recombinaison homologue à l'aide de CRISP/Cas9 dans les cellules iPS, le saut d'exon pour lequel nous avons généré une souris humanisée COL7A1, lecture des mutations non-sens par un aminoglycoside, inducteur de translecture, des fibroblastes génétiquement modifiés et des cellules souches mésenchymateuses (CSM) dérivées de la moelle osseuse dans un modèle murin de xénogreffe utilisant des équivalents de peau EBDR humaine. Un modèle murin viable d’EBDR porteur d'une mutation Col7a1 hypomorphe homozygote a été généré et étudié dans le laboratoire. Ce modèle a permis de mieux comprendre le développement de la fibrose et sert de modèle in vivo pour les approches thérapeutiques. Des approches transcriptomiques et protéomiques visant à identifier les gènes modificateurs et les voies biologiques impliquées dans la gravité de la maladie et dans le développement des carcinomes épidermoïdes dans le EBD sont en cours de réalisation.

Syndrome de Netherton (SN) : allergie par dérèglement des protéases épidermiques

Nous avons caractérisé la cascade biologique qui conduit à l'inflammation de la peau, à l'allergie et à la desquamation anormale dans le SN. La cascade implique des activités non opposées des kallikréines (KLK) 5 (KLK5), KLK7 et KLK14 à la suite d'une inhibition défaillante par LEKTI, entraînant l'activation du récepteur 2 activé par la protéase (PAR2), de la lymphopoïétine thymique stromale (TSLP) et la production de cytokines pro-inflammatoires. KLK5 est une cible thérapeutique majeure, qui active pro-KLK7 et pro-KLK14. Dans le cadre de collaborations industrielles et académiques, nous testons des inhibiteurs très puissants et spécifiques de KLK5 et KLK7 dans des modèles in vivo. Des approches de biothérapie visant à bloquer les cytokines pro-inflammatoires surexprimées dans le SN sont également à l’étude. L'équipe a développé plusieurs modèles murins, dont une souris transgénique surexprimant la KLK5 humaine, une souris Spink5-/- à invalidation conditionnelle viable qui permet un traitement systémique et/ou topique, et un modèle murin à double double KO (Spink5-/-xKlk5-/-), qui ont confirmé les rôles de klk5 et klk7 dans la pathogenèse des SN et sont des modèles utiles pour tester de médicaments.

La maladie de Darier (DD), un modèle de maladie de l'homéostasie anormale du calcium

Nous avons au préalable identifié ATP2A2 (un gène codant pour la protéine SERCA2, une pompe à calcium du réticulum endoplasmique (ER)) comme le gène défectueux dans la maladie de Darier. Nous avons récemment montré que l’absence de transport du calcium entraîne un stress du RE et un trafic anormal des molécules d'adhésion intercellulaire. Nous avons également montré que l'inhibition du stress du RE par des agents pharmacologiques entraîne la relocalisation de la E-cadhérine et des composants du desmosome au niveau de la membrane plasmique, ce qui suggère que ces agents ont un potentiel thérapeutique. Nous avons également récemment identifié différentes cascades biologiques impliquées dans la différenciation anormale et l'inflammation de la peau, ce qui pourrait orienter de nouvelles approches thérapeutiques.

L'équipe développe des approches de séquençage des exomes afin d'identifier de nouveaux gènes pour les maladies cutanées monogéniques ou polygéniques graves. Il s'agit notamment de troubles de la kératinisation et inflammatoires rares tels que le syndrome d'Olmsted pour lequel nous avons récemment identifié un nouveau gène défectueux, l'érythrodermie ichthyosiforme sévère, et des maladies fréquentes telles que l’hidradénite suppurée et le psoriasis. Des études fonctionnelles des gènes identifiés sont en cours afin de mieux comprendre la pathogenèse de ces maladies, de décrypter les cascades biologiques impliquées et d'identifier des cibles thérapeutiques.

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