Cytomégalovirus et déficience en NOS2 ne font pas bon ménage

Comment une infection a priori bénigne chez la majeure partie de la population devient-elle mortelle ? Une nouvelle fois, Jean-Laurent Casanova et son équipe replacent la génétique humaine, en l’occurrence une mutation du gène NOS2, au cœur des maladies infectieuses.

Publié le 30.01.2020

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Le cytomégalovirus est un virus de la famille de l’herpès, extrêmement répandu puisque dans certains pays, presque 100 % des adolescents seraient infectés. Il se transmet via la salive, le sang, les larmes, le sperme etc. Heureusement, il est relativement inoffensif pour les personnes en bonne santé : il passe le plus souvent inaperçu et provoque au pire des symptômes proches de la mononucléose, à savoir fièvre, fatigue, douleurs musculaires etc.

En revanche, chez les enfants et les adultes atteint d’un déficit immunitaire héréditaire ou acquis, par exemple une infection par le virus HIV ou une immunosuppression dans le cadre d’une greffe d’organe, des déficiences affectant la fonction des lymphocytes T, l’infection par le cytomégalovirus peut entraîner des effets plus graves tels qu’une pneumonie, une hépatite, une œsophagite, une gastroentérite, une rétinite ou une encéphalite. Ces patients sont aussi vulnérables à de nombreuses autres maladies infectieuses.

Quand une infection par le cytomégalovirus devient agressive....

 

En conséquence, le décès d’une personne d’une cinquantaine d’années en bonne santé, sans la moindre histoire de déficit immunitaire, des suites d’une infection récente par le cytomégalovirus a donc de quoi surprendre. « Les quelques cas isolés de décès ou d’infection grave par le CMV sont inexpliqués », rappelle Jean-Laurent Casanova, professeur à l’Université de Paris/Hôpital Necker-Enfants malades AP-HP et à l’Université Rockefeller à New York mais aussi directeur d’un laboratoire de recherche Inserm à l’Institut Imagine et au Howard Hughes Medical Institute à New-York. « Les données épidémiologiques sont parcellaires, mais par extrapolation, on estime qu’une personne sur 1 million pourrait développer une infection grave isolée par le CMV. »

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Pourquoi une conséquence aussi dramatique chez certaines personnes ? L’immunologiste et pédiatre Jean-Laurent Casanova plaide depuis de nombreuses années pour l’idée qu’une cause génétique expliquerait pourquoi certains individus développent des formes cliniques graves, voire mortelles, suites à une infection bénigne pour d’autres. « Nous avons pu étudié l’ADN d’un iranien de 51 ans décédé 29 mois après avoir contracté le virus, chez lequel nous présupposions l’existence d’une mutation génétique altérant l’efficacité du système immunitaire », explique le médecin-chercheur.

Le séquençage complet des parties codantes du génome a effectivement permis de mettre au jour une altération dans le gène NOS2 sans qu’aucune mutation touchant des gènes associés à un déficit immunitaire n’ait été découverte par ailleurs chez cet homme. Bien que la protéine produite par le gène NOS2 est déjà été décrite comme intervenant dans les réponses inflammatoires et la défense des cellules, l’ensemble de ses fonctions n’a pas encore été totalement décryptée. La protéine synthétisée par le gène NOS2 contribue à produire du « NO », de l’oxyde nitré, de façon inductible. C’est une protéine découverte par Carl Nathan à New York et très bien caractérisée chez la souris, mais dont la fonction chez l’homme demeurait énigmatique. « Chez l’homme, NOS2 semble jouer un rôle important dans l’activation du système immunitaire contre les infections au CMV, conclut Jean-Laurent Casanova. Par contre l’homme décédé ayant été au préalable exposé à d’autres infections, son implication semble redondante vis-à-vis d’autres agents infectieux. » la nouveauté et l’importance de ce travail se trouvent donc à la fois du côté du CMV et de celui du NO.

Avec cette découverte, l’équipe de Jean-Laurent Casanova démontre une nouvelle fois l’importance du « terrain » génétique dans l’évolution des infections. Tout comme pour la grippe, la tuberculose, l’herpès, une susceptibilité génétique favorise le développement de forme agressive, voire mortelle, de maladie suite à une infection au cytomégalovirus.