Découverte d’une nouvelle cause génétique d’inflammation du cerveau

Grâce à une large collaboration internationale, l’équipe « Neurogénétique et Neuroinflammation » de l’Institut Imagine, dirigée par Yanick Crow, a récemment caractérisé une nouvelle maladie génétique liée à des mutations du gène PTPN1. Ces mutations empêchent le bon contrôle de l’inflammation cérébrale, régulée par les interférons, des protéines majeures dans la réponse immunitaire face aux infections virales. Chez les 12 enfants concernés par ces mutations, la maladie a débuté entre 1 et 8 ans. L’état de tous les enfants s’est stabilisé, voire s’est amélioré, notamment chez certains patients grâce à l’administration de corticoïdes, qui limitent l’activité du système immunitaire. L’identification de ces mutations ouvre la voie à de futures recherches sur le rôle de PTPN1 dans le cerveau, et sur des traitements adaptés pour réguler la réponse immunitaire et cibler l’inflammation médiée par les interférons.

Les interférons de type 1 (IFN-1) constituent un signal majeur qui active les défenses naturelles de l’organisme contre les virus, en alertant les cellules et en les préparant à se défendre avant même que l’infection ne se propage. Cependant, dans certaines maladies auto-inflammatoires, une activation inappropriée ou excessive de cette voie contribue à une dérégulation du système immunitaire, qui peut induire des dommages collatéraux aux tissus, par exemple au niveau du cerveau. 

Le laboratoire « Neurogénétique et Neuroinflammation », dirigé par Yanick Crow à l’Institut Imagine (Inserm, AP-HP, Université Paris Cité) a identifié chez 12 enfants une mutation rare du gène PTPN1 dite « hétérozygote » (seulement une des deux copies du gène porte une mutation). Ces enfants ont souffert d’un déclin neurologique brutal et inexpliqué associé à une activation du signal IFN-1. Ils ne présentaient pas d’atteinte apparente à la naissance, mais leurs symptômes sont apparus progressivement avant l’âge de 10 ans, entraînant une perte rapide des fonctions motrices et de langage. Certains présentaient une atrophie cérébrale (souvent unilatérale au début), et tous ceux testés avaient dans leur liquide céphalo-rachidien une élévation de la concentration d’IFN-1 et de néoptérine, un marqueur de l’inflammation du système nerveux central. 

PTPN1 permet de produire la protéine PTP1B (Protéine Tyrosine Phosphatase 1B), qui agit comme un frein à la signalisation des IFN-1. Lorsque ce frein est diminué, ici par des mutations dites « pertes de fonction », le signal IFN-1 est considérablement augmenté. Dans leur étude publiée dans le journal The Lancet Neurology, les chercheurs de l’Institut Imagine, de l’Université d’Édimbourg et leurs collaborateurs ont confirmé ce mécanisme en analysant les cellules du sang et de la peau de certains patients de la cohorte ainsi qu’en inactivant le gène PTPN1 dans des cellules saines grâce aux ciseaux moléculaires. Ces nouveaux résultats viennent enrichir le spectre des interféronopathies de type I, des maladies génétiques impliquant un excès d’IFN-1. Concernant la prise en charge des inflammations du cerveau, ces travaux incitent fortement les médecins à intégrer un test génétique de PTPN1 en routine. 

Ces travaux sont un très bon exemple de l’importance des analyses génétiques non ciblées suivies par des analyses fonctionnelles ciblées pour diagnostiquer les maladies rares complexes, ici à la croisée de la neurologie, de l’immunologie et de la génétique. Enfin, cette découverte suggère que la communauté scientifique se doit d’être vigilante lors de l’utilisation de médicaments inhibiteurs de PTP1B, étudiés actuellement pour lutter contre le diabète. 

L’étude publiée en mars 2025 a été menée par Gaofeng Zhu dans le cadre de sa thèse, sous la co-direction de la Dr. Alice Lepelley à l’Institut Imagine. Ces travaux ont été rendus possible grâce à des collaborations internationales impliquant des généticiens, pédiatres et neurologues à travers de nombreux pays (République Tchèque, Allemagne, Italie, Slovénie, Grande Bretagne ou encore Israël). Cette étude a également été réalisée grâce au financement de l’Agence Nationale de La Recherche (ANR), du Conseil de Recherche Européen (ERC), de l’Institut Imagine et de l’Université d’Édimbourg. 

Référence : 
Autoinflammatory encephalopathy due to PTPN1 haploinsufficiency: a case series. 
G. Zhu et al., Lancet Neurol, 2025 
doi: 10.1016/S1474-4422(24)00526-X