Identification d’une nouvelle cause d’atrophie microvillositaire, une maladie grave de la barrière intestinale

Les chercheurs du laboratoire « Immunité intestinale », à l’Institut Imagine (Inserm, APHP, Université Paris Cité), ont identifié le mécanisme responsable d’une nouvelle forme de diarrhée grave chez l’enfant.

Publié le 17.05.2022

Accélérer la recherche

En biologie, structure et fonction sont étroitement liées. Notre intestin n’échappe pas à la règle. Ainsi, les cellules de la paroi intestinale se spécialisent pour former à leur surface une bordure en brosse (voir image). Cette structure faite de milliers de replis membranaires ou « microvillosités » contient les transporteurs nécessaires à la captation des nutriments dans la lumière de l’intestin et au contrôle des échanges d’eau et de sels entre l’organisme et le milieu extérieur. Dans certaines maladies génétiques intestinales, généralement regroupées sous le nom d’«atrophie microvillositaire», il existe un défaut de formation de cette bordure en brosse. « Ce défaut se manifeste dès la naissance par une diarrhée grave à l’origine de déshydratation sévère et de dénutrition », résume Nadine Cerf-Bensussan, directrice du laboratoire Immunité intestinale, à l’Institut Imagine. 

Un nouveau gène identifié 

Les causes génétiques les plus communes sont des mutations perte de fonction dans le gène MYO5B. Celui-ci code pour une protéine, la myosine 5B, qui permet le transport des différents composants de la bordure en brosse vers la surface apicale des cellules de l’intestin. Lorsque la myosine 5B est mutée, la bordure en brosse est désorganisée et dépourvue de ses transporteurs, provoquant une diarrhée très sévère.

Dans une étude publiée le 16 mai dans The Journal of Clinical Investigation, l’équipe de Nadine Cerf-Bensussan a identifié une nouvelle cause à cette famille de maladie [1]. L’équipe a focalisé son attention sur des enfants présentant une diarrhée sévère sans cause génétique connue. « Pour identifier l’origine génétique de leurs symptômes, nous avons réalisé un séquençage des parties codantes de leur génome – ce que l’on appelle l’exome – et avons identifié des mutations perte de fonction dans le gène Unc45a codant la protéine du même nom », explique Marianna Parlato, chargée de recherche et dernière auteure . Des mutations dans ce gène ont été très récemment rapportées chez d’autres enfants présentant une diarrhée grave mais sans que le mécanisme de la diarrhée soit élucidé.

UNC45 : protéine clé de la formation de la barrière intestinale

Le travail publié montre que UNC45 agit comme un « chaperon » de la myosine 5B. En pratique, elle « aide » la myosine 5B à se replier correctement pour avoir la bonne structure tridimensionnelle. Ainsi, lorsque Unc45a est mutée et non fonctionnelle, la myosine 5 perd sa structure et devient incapable d’assurer sa fonction dans le développement de la bordure en brosse de l’intestin.

Cette découverte s’est appuyée sur l’étude de 6 patients et a bénéficié d’une collaboration entre l’Institut Imagine, les pédiatres gastroentérologues des hôpitaux Necker-Enfants Malades et Robert Debré à l’AP-HP et de l’Hôpital d’Enfants d’Ankara en Turquie, les généticiens du CHU de Dijon et de l’Université d’Oxford, et des chercheurs de l’Institut de la Vision, de l’Université Paris-Cité et de l’Université d’Innsbruck en Autriche. La caractérisation du défaut moléculaire a été réalisée grâce à une combinaison d’approches classiques (analyses histologiques et biochimiques, microscopie électronique) et d’approches innovantes chez le poisson zèbre ou à travers l’utilisation d’organoïdes, sortes d’intestins miniatures reconstitués en laboratoire à partir de cellules souches.

« On retrouve les mêmes anomalies de formation de la bordure en brosse et du ciblage des transporteurs à la fois dans les lignées cellulaires, chez le poisson zèbre et dans les organoïdes présentant les mutations perte de fonction dans Unc45 », expliquent Nadine Cerf-Bensussan et Marianna Parlato. Ce faisceau de preuves permet à la fois de valider l’hypothèse du rôle clé de ce variant génétique dans les anomalies de la barrière intestinale chez ces enfants et de mieux comprendre les mécanismes du développement de la barrière intestinale . La découverte précise du mécanisme responsable de la maladie permet d’envisager la recherche d’un médicament qui pourrait corriger le défaut de repliement de la myosine 5B et restaurer le développement de la bordure en brosse.

[1] R. Duclaux-Loras et al., JCI, 2022