Les antidépresseurs au secours des patients atteints de syndromes myélodysplasiques

La sérotonine est principalement connue pour réguler nos humeurs. Mais en découvrant que cette molécule est produite au sein de la moelle osseuse et peut agir sur la production des cellules sanguines, l’équipe d’Olivier Hermine* à l’Institut Imagine, a révélé une nouvelle piste thérapeutique pour les syndromes myélodysplasiques.

Publié le 16.04.2019

Accélérer la recherche

  • Hématologie

Tout est parti d’un constat : les patients atteints de syndromes myélodysplasiques ont un taux de sérotonine inférieur à la normale. Et cette déficience semble agir sur la production des cellules sanguines matures, qui est d’ailleurs l’une des caractéristiques de ces pathologies.

Les syndromes myélodysplasiques sont associés à un défaut de la lignée des globules rouges

L’origine des syndromes myélodysplasiques est liée à une anomalie de cellules progénitrices dans la moelle osseuse, au cœur des os. Avant de devenir globules rouges, globules blancs ou plaquettes, les cellules passent par toute une série d’étapes de maturation à partir de ces cellules progénitrices. En l’occurrence, c’est une défaillance au niveau des cellules progénitrices de la lignée des globules rouges qui est observée chez les patients atteints de syndromes myélodysplasiques. Ainsi, ces patients souffrent d’anémie, ce qui nécessite des transfusions régulières et parfois un traitement par érythropoïétine (EPO). En 2012, plus de 4 000 nouveaux cas de syndromes myélodysplasiques ont été diagnostiqués. Ces maladies sont associées à un assez mauvais pronostic, en partie lié aux complications de l’anémie et de ses traitements, mais aussi en raison d’un risque de leucémie aiguë d’environ 30%, avec une survie à 5 ans de l’ordre de 40% en France.

Augmenter le taux de sérotonine pour corriger l’anémie

L’équipe a réussi à démontrer que la sérotonine, une molécule fabriquée par le cerveau et l’intestin, est aussi produite au sein de la moelle osseuse, et qu’elle est indispensable pour une fabrication optimale des globules rouges. 

 « Dans les modèles animaux, l’action combinée de l’EPO et de la sérotonine améliore l’anémie, note Francine Côté, chercheur CNRS dans l’équipe d’Olivier Hermine*. En cas de carence en sérotonine, l’administration d’un antidépresseur, comme la fluoxétine, en augmentant les taux de sérotonine, semble pouvoir restaurer le bon fonctionnement de la cellule progénitrice et augmenter la production de globules rouges sains. »

Ainsi, ces recherches suggèrent que la correction du taux de sérotonine chez les patients atteints de syndromes myélodysplasiques, par exemple par un traitement antidépresseur, pourrait permettre une amélioration de leur anémie. Les chercheurs précisent que les antidépresseurs n’ont d’effet que lorsqu’il existe un défaut de fabrication des globules rouges lié à une carence en sérotonine, et donc n’entraînent pas de sur-production de ces cellules.

Comment les syndromes myélodysplasiques éclairent d’un jour nouveau l’action des antidépresseurs

En plus de cette nouvelle piste thérapeutique, cette action jusqu’ici inconnue des antidépresseurs pourrait s’appliquer à d’autres situations d’anémie. L’équipe cherche donc actuellement si d’autres maladies de la moelle osseuse sont associées à une carence en sérotonine, et pourraient ainsi également bénéficier de l’utilisation d’antidépresseurs.

Schéma serotonine

 

Olivier Hermine est professeur à l'Université Paris Descartes, praticien hospitalier et chef du service d’hématologie adulte à l’Hôpital Universitaire Necker-Enfants malades AP-HP, docteur ès sciences, responsable d'un groupe de recherche Inserm à l’Institut Imagine, et coordinateur du Labex Grex.

Enhanced renewal of erythroid progenitors in myelodysplastic anemia by peripheral serotonin

David Sibon, Tereza Coman, Julien Rossignol, Mathilde Lamarque, Olivier Kosmider, Elisa Bayard, Guillemette Fouquet, Rachel Rignault, Selin Topçu, Pierre Bonneau, Florence Bernex, Michael Dussiot, Kathy Deroy, Laetitia Laurent, Jacques Callebert, Jean-Marie Launay, Sophie Georgin-Lavialle, Geneviève Courtois, Luc Maroteaux, Cathy Vaillancourt, Michaela Fontenay, Olivier Hermine & Francine Côté

 Cell Reports 2019 Mar 19;26(12):3246-3256.e4. doi: 10.1016/j.celrep.2019.02.071.