Les promesses de l’immunothérapie pour la greffe

L’équipe de Julien Zuber, chercheur dans le laboratoire de lymphohématopoïèse humaine, à l’Institut Imagine, et transplanteur à l’Hôpital Necker-Enfants malades AP-HP, a identifié le candidat le plus prometteur pour de futurs traitements anti-rejets fondés sur l’immunothérapie.

Publié le 20.12.2021

Accélérer la recherche

Depuis une dizaine d’années, une nouvelle classe de médicaments révolutionne le traitement contre le cancer : les cellules T à récepteur antigénique chimérique (CAR-T). Il s’agit de cellules de l’immunité, appelés lymphocytes T, éduqués de façon à détruire les cellules tumorales. Cette éducation consiste à les modifier génétiquement en insérant dans leur noyau une séquence d’ADN codant un récepteur dit « chimérique » capable de reconnaître spécifiquement l’antigène des cellules cancéreuses. Cette thérapie innovante est en plein essor et a déjà donné des résultats spectaculaires chez des patients atteints de cancers du sang.

Grâce notamment à une nouvelle étude publiée dans la revue Nature Communications par l’équipe de Julien Zuber, médecin spécialisé dans la greffe rénale à l’Hôpital Necker-Enfants malades et chercheur dans le laboratoire de lymphohématopoïèse humaine, à l’Institut Imagine, cette approche pourrait à terme s’étendre à un autre champ d’application : la greffe d’organes et les maladies auto-immunes [1].

Des cellules régulatrices pour éviter les rejets

« Plutôt que cibler une tumeur pour la détruire, notre approche consiste plutôt à cibler l’organe greffé pour le protéger de la réponse immunitaire du receveur et ainsi éviter les rejets », explique Julien Zuber. Pour y arriver, les chercheurs développent des cellules CAR-T dites « régulatrices » (CAR-Treg). Un peu à la manière de chefs d’orchestres, ces cellules sont capables de contrôler sélectivement la réponse immunitaire de façon à éviter le rejet tout en préservant les réponses anti-infectieuses et antitumorales. Une propriété précieuse palliant le principal défaut des traitements immunosuppresseurs qui, avec le temps, fragilisent l’ensemble du système immunitaire des patients greffés et augmentent les probabilités de développer un cancer. « Le risque de cancer de la peau quand on est transplanté est multiplié d’un facteur 60 à 250 par rapport à la population générale », souligne Julien Zuber.

"Notre approche consiste à cibler l'organe greffé pour le protéger de la réponse immunitaire du receveur"

Toutefois, les cellules CAR-Treg doivent encore faire l’objet d’investigations avant d’atteindre le chevet des patients. En effet, ces cellules ont tendance à perdre leur identité régulatrice si on les stresse trop. Tout un champ de recherche consiste donc à trouver la meilleure « recette » pour les rendre plus stables. Or, dans leur nouvelle étude, Julien Zuber et son équipe ont fait une avancée significative dans l’identification d’un des principaux ingrédients de cette recette.

Un premier pas vers de futurs essais cliniques

En étudiant en détail l’influence de différents designs de récepteurs chimériques sur la biologie de la cellule, ils ont pu identifier le plus approprié pour de futures études cliniques. Ces récepteurs chimériques sont en fait constitués de plusieurs étages ou « domaines », chacun impliqué dans différentes étapes de l’activation de la cellule. Il existe deux principaux récepteurs candidats : l’un met en jeu un domaine appelé CD28, l’autre un domaine appelé 4-1BB. « Sans rentrer dans le détail, nous avons mis en évidence que le récepteur avec le domaine CD28 est plus efficace et surtout confère une plus grande stabilité aux CAR-Tregs que celui avec 4-1BB dans le cadre de la greffe, ce qui n’avait jamais été démontré auparavant », précise Julien Zuber.

Ce résultat important est un premier pas vers de futures investigations cliniques. Toutefois, les chercheurs devront accumuler encore de nombreuses données avant d’avoir le feu vert de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). C’est précisément l’ambition de l’équipe de Julien Zuber. « Nous sommes en train de développer un nouveau modèle qui nous permet de suivre la stabilité de la cellule sur une période beaucoup plus longue, justement pour être en mesure d’apporter des preuves de sécurité aux autorités réglementaires », indique-t-il. Des travaux prometteurs (*) et porteurs d’espoir.

(1) B. Lamarthée et al., Nature Communications, doi.org/10.1038/s41467-021-26844-1, 2021

(*) Ce projet de recherche a été financé par le DIM (Domaine d’intérêt majeur) « Thérapie génique », programme d’aide à la recherche de la Région Île-de-France.