Un mécanisme clé de l’inflammation dans la drépanocytose identifié pour la première fois

Dans une étude parue dans la revue internationale Blood, des chercheurs du laboratoire « Mécanismes cellulaires et moléculaires des désordres hématologiques et implications thérapeutiques », dirigé par le Professeur Olivier Hermine, à l’Institut Imagine (Inserm U1163, AP-HP, Université Paris Cité), ont mis en évidence un mécanisme clé de l’inflammation dans la drépanocytose, maladie génétique du globule rouge la plus fréquente dans le monde.

Publié le 28.10.2022

Accélérer la recherche

Avec 350 000 nouveaux patients diagnostiqués chaque année dans le monde, la drépanocytose est considérée comme la plus fréquente des maladies génétiques. Elle est causée par une mutation entraînant un défaut de structure de l’hémoglobine, principal constituant des globules rouges. Les principaux symptômes de cette maladie sont : une anémie, des crises « vaso-occlusives » douloureuses, mais aussi une inflammation chronique entraînant, à terme, des insuffisances au niveau de différents organes : foie, reins, cœur etc.

Les scientifiques savent depuis longtemps que cette inflammation, plus ou moins sévère selon les patients, est due à une activation anormale d’une famille de cellules immunitaires : les monocytes. Mais le mécanisme exact de cette activation n’était pas encore connu. Dans une nouvelle étude parue dans la revue américaine Blood, des chercheurs du laboratoire « Mécanismes cellulaires et moléculaires des désordres hématologiques et implications thérapeutiques, à l’Institut Imagine (Inserm, AP-HP, Université Paris Cité), rapportent pour la première fois la découverte des bases moléculaires de cette activation [1].

Celle-ci débute avec le processus d’hémolyse qui survient de façon chronique dans la drépanocytose et au cours duquel les globules rouges sont détruits, libérant différentes molécules dans la circulation sanguine, notamment l’hémoglobine « malade » (HbS) et l’hème, un composé ferreux présent dans l’hémoglobine. « La communauté scientifique suspectait un rôle clé de l’hème dans l’inflammation, mais cette hypothèse restait à vérifier », indique Thiago Trovati, chargé de recherche Inserm, theme leader à l’Institut Imagine et co-dernier auteur de la publication.

Le rôle clé de l'hémoglobine malade en circulation

Pour explorer cette hypothèse, les chercheurs ont analysé la réponse inflammatoire dans une autre maladie  des globules rouges : la bêta thalassémie. Contrairement à la drépanocytose, dans la bêta thalassémie, l’hémoglobine est saine mais elle est produite en quantité insuffisante, entraînant des anémies sévères chez les patients. « Comme dans la drépanocytose, nous avons observé que l’hème libre augmente dans la bêta thalassémie. Toutefois cette augmentation ne s’accompagne pas d’une activation inflammatoire ». En d’autres termes, l’hème ne peut expliquer à elle seule l’inflammation. « En étudiant différents modèles nous avons pu montrer que l’inflammation observée dans la drépanocytose est déclenchée non pas par la présence de l’hème mais par celle de l’hémoglobine malade en libre circulation dans le sang », précise le Thiago Trovati

Mieux : les scientifiques ont pu montrer que l’hémoglobine malade (HbS) est capable de se lier aux récepteurs TLR4 des monocytes, déclenchant l’inflammation. « Cette découverte est importante car elle met le doigt sur une nouvelle cible thérapeutique. En effet, si l’on trouve des molécules capables d’inhiber l’activation du récepteur TLR4, on pourrait enrayer ce processus inflammatoire », ajoute le chercheur. 

L'inflammation pas suffisamment prise en compte

« L’inflammation est véritablement une composante majeure de la drépanocytose qui n’est pas suffisamment prise en compte actuellement dans les différentes stratégies thérapeutiques. Il a pourtant été démontré que cette inflammation était fortement corrélée à la mortalité des patients drépanocytaires et il était urgent de comprendre son origine afin d’envisager de nouveaux traitements de la maladie » , conclut Slimane Allali, premier auteur de la publication et pédiatre au sein du Sickle Cell Center de l’Hôpital Necker-Enfants malades (AP-HP, Université Paris Cité).

[1] S. Allali et al., Blood, doi.org/10.1182/blood.2021014894, 2022