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" En 1994, le domaine de la biologie osseuse a connu une avancée significative grâce à la découverte que des mutations activatrices du récepteur tyrosine kinase (TK) du facteur de croissance des fibroblastes 3 (FGFR3) sont à l'origine de l'achondroplasie " expliquait récemment Laurence Legeai-Mallet, directrice de recherche Inserm à l’Institut Imagine (Inserm, AP-HP, Université Paris Cité) aux Cahiers de l’Inserm. L’achondroplasie (ACH), la forme la plus fréquente de nanisme, et l’hypochondroplasie (HCH), une forme moins sévère, sont toutes deux les conséquences de mutations gain de fonction (qui suractivent) du gène FGFR3. Après l’identification du gène responsable, l’équipe a développé des modèles cellulaires et animaux pour mieux comprendre ces maladies, et tester l’efficacité de diverses molécules thérapeutiques.
Plusieurs traitements sont donc en développement aujourd’hui pour réduire ces défauts de croissance. Après le vosoritide (commercialisé en 2021 sous le nom Voxzogo) et l’infigratinib (actuellement à l’essai en phase 3), l’équipe vient d’évaluer l’efficacité d’une nouvelle molécule, TYRA-300, synthétisée par la société Tyra Biosciences. Cette petite molécule, un inhibiteur de tyrosine kinase, inhibant spécifiquement FGFR3 (et pas les autres membres de la famille des FGFR), pourrait être plus efficace, et avec une fenêtre thérapeutique plus large, que les inhibiteurs non sélectifs du FGFR.
L'efficacité de TYRA-300 a été évaluée chez des souris ACH et HCH, pour lesquelles l'infigratinib a déjà montré une efficacité. Dans un article récemment paru dans JCI Insight, l’équipe de Laurence Legeai-Mallet montre qu’après 2 semaines de traitement quotidien pour les souris ACH et 3 semaines de traitement quotidien pour les souris HCH, TYRA-300 augmente la vitesse de croissance totale et la croissance des os longs. La forme et la taille du crâne sont également améliorées ; les paramètres osseux des os longs, l’architecture des vertèbres et disques intervertébraux sont également partiellement corrigés, laissant espérer que la molécule a un effet sur l’ensemble du système musculosquelettique.
Les chercheurs ont également étudié le processus d’ossification au cours du développement et confirmé que la prolifération et la différenciation des cellules du cartilage, ainsi que l’ostéogenèse, étaient perturbées par les mutations Fgfr3. L’équipe a montré que TYRA-300 restaure l'architecture des cartilages de croissance en augmentant la prolifération et la différenciation des cellules du cartilage.
Dans l'ensemble, l'étude actuelle démontre que TYRA-300 favorise efficacement la croissance osseuse dans deux modèles de chondrodysplasie liées à des mutations de FGFR3. TYRA-300 est donc le premier inhibiteur sélectif de FGFR3 à être évalué dans ces modèles. A l’avenir, TYRA-300 pourrait offrir une plus grande fenêtre thérapeutique que les inhibiteurs non sélectifs des FGFR actuellement en cours de développement. L'ensemble de ces données justifie la mise en place d’une étude clinique de TYRA-300 chez les enfants atteints d'ACH, d'HCH et potentiellement d'autres ostéochondrodysplasies liées au FGFR3, dans l’espoir de développer un traitement efficace, sûr, et accessible.
Référence :
TYRA-300, an FGFR3-selective inhibitor, promotes bone growth in two FGFR3-driven models of chondrodysplasia
Starrett JH*, Lemoine C*, Guillo M* et al., JCI Insight, 2025
Corresponding author : Laurence Legeai-Mallet