La Malformation Anévrismale de la Veine de Galien : première cause de malformation vasculaire cérébrale congénitale chez l’enfant
Les malformations cérébrovasculaires sont des anomalies dans la formation des vaisseaux sanguins du cerveau. On en distingue généralement cinq types principaux. Le projet soutenu par la fondation se concentre sur l’un d’eux : la Malformation Anévrismale de la Veine de Galien, ou Vein of Galen Malformation (VOGM), une anomalie congénitale rare du système vasculaire cérébral.
Cette malformation se développe lorsque certaines artères du cerveau se connectent directement à une grosse veine, la veine de Galien, sans passer par le réseau normal de petits vaisseaux cérébraux. Cette connexion anormale entraîne un excès de flux sanguin vers le cerveau, pouvant provoquer de +graves complications : insuffisance cardiaque, accumulation de liquide dans le cerveau (hydrocéphalie) ou encore hémorragies cérébrales.
La VOGM représente environ 30 % des malformations vasculaires cérébrales chez l’enfant. Malgré les avancées thérapeutiques, elle reste une pathologie grave, avec un risque élevé de complications pouvant entraîner la mort.
Cette malformation est fréquemment associée à d'autres problèmes de santé, tels qu’un retard du développement, une augmentation anormale du volume crânien (macrocéphalie), la présence de vaisseaux très visibles au niveau du visage et du cuir chevelu, des anomalies vasculaires cutanées, ainsi que diverses atteintes cardiaques.
Bien que des techniques modernes de traitement, comme les interventions endovasculaires, aient amélioré la prise en charge des patients, le risque de complications et de décès reste élevé. Des mutations dans certains gènes connus pour leur rôle dans la formation des vaisseaux sanguins et des connexions des cellules nerveuses ont été identifiées chez des patients atteints de VOGM et d'autres malformations vasculaires congénitales. Ces mutations peuvent être héritées ou apparaître spontanément chez les enfants. Ces éléments suggèrent un lien étroit entre le développement du cerveau et du système vasculaire qui serait perturbé chez les patients atteint de VOGM.
Soutenu par la fondation Plowiecki et porté par les chercheuses Alessandra Pierani, Nadia Bahi-Buisson et Camille Maillard à l’institut Imagine, ce projet ambitieux explore le lien entre génétique, développement cérébrale et vasculaire dans la VOGM.
Un nouvel angle d’approche pour étudier la VOGM : étude des interactions neuro-vasculaires
Le laboratoire de recherche de Génétique et du Cortex cérébral dirigé par Alessandra Pierani à l’institut Imagine a découvert que la persistance de cellules cérébrales transitoires à l’âge adulte est associée à certaines maladies neurologiques, comme l’épilepsie du lobe temporal.
Les travaux de recherches de l’équipe suggèrent que ces cellules transitoires interagissent avec le réseau vasculaire en développement et influencent la formation des vaisseaux du cerveau. De plus, les chercheurs ont constaté que, chez les mutants privés de ces cellules, le développement des vaisseaux sanguins cérébraux est altéré. Cela renforce l'idée que le bon développement des neurones et des vaisseaux sanguins est étroitement lié.
L’équipe cherche donc à comprendre comment la croissance du réseau vasculaire influence la production de neurones et comment, en retour, les cellules nerveuses régulent la formation des vaisseaux. Un enjeu majeur est aussi de déterminer comment la réactivation de ces processus du développement pourrait jouer un rôle dans certaines maladies neurovasculaires comme la VOGM.
Méthodologie et objectifs de recherches
Objectif n°1 : Comprendre les mécanismes génétiques influençant la gravité clinique de la VOGM
Les chercheuses impliquées dans ce projet supposent que certaines variations génétiques liées à la formation des vaisseaux sanguins pourraient aussi perturber la communication entre les cellules nerveuses en développement et les cellules des vaisseaux sanguins. En conséquence, le développement du cerveau, et en particulier du cortex cérébral, pourrait être affecté. Cette altération pourrait être causée soit directement par des mutations affectant les cellules précurseurs du cortex, soit indirectement par les anomalies vasculaires environnantes.
Un autre aspect que les chercheuses souhaitent explorer est la possibilité que la variabilité des symptômes de la VOGM résulte d’un mécanisme en deux étapes. Cela signifie qu’une première mutation génétique serait héritée des parents, mais que l’apparition des symptômes nécessiterait une seconde mutation, qui surviendrait après la fécondation dans certaines cellules du fœtus.
Pour répondre à ces questions, les chercheuses analyseront une cohorte de cas fœtaux pris en charge au centre de diagnostic prénatal de l’hôpital Necker-Enfants malades avec pour objectif d’identifier les liens entre les anomalies génétiques et les manifestations cliniques de la VOGM.
Objectif n°2 : Comprendre le lien entre les anomalies vasculaires cérébrales et les autres anomalies du cerveau dans la VOGM
Le deuxième objectif de ce projet est d'explorer les liens entre les anomalies des vaisseaux sanguins du cerveau et d'autres malformations cérébrales. Pour cela, les chercheuses utiliseront différents modèles, notamment des cellules cultivées en laboratoire, ainsi que des modèles murins. Ces approches aideront à mieux comprendre les mécanismes communs à ces anomalies et à identifier l’ensemble des gènes impliqués.
Cette étude se concentre sur trois gènes qui jouent un rôle clé dans le développement des neurones et des vaisseaux sanguins. L’équipe de recherche pense que des mutations affectant ces gènes pourraient perturber la formation d’un type spécifique de neurones transitoires, essentiels à la mise en place des connexions cérébrales et vasculaires.
Pour étudier ces interactions, les chercheuses testerons si la présence de neurones transitoires influence le développement normal des vaisseaux sanguins et inversement. Elles analyseront également, au niveau cellulaire, comment ces neurones transitoires interagissent avec les cellules des vaisseaux sanguins et les cellules progénitrices du cortex, grâce à de la microscopie de pointe.
En parallèle, elles utiliseront des modèles in vitro de cellules neuronales humaines mutées générées à partir de cellules souches induites à la pluripotence (IPSC). Les IPSC sont des lignées cellulaires souches obtenues à partir de cellules adultes spécialisées ayant réacquis la capacité à se différencier en plusieurs types cellulaires. Les chercheuses génèreront des neurones et des cellules progénitrices neurales à partir d’IPSC qui seront directementdérivées de cellules de patients ou génétiquement modifiées par CRISPR-Cas9 (outils de modification du génome) afin de reproduire les mutations détectées chez les patients. Grâce à ces cellules, elles pourront étudier comment les mutations des gènes identifiés affectent la survie, la migration et la différenciation des neurones.
Enfin, ces études en laboratoire seront complétées par des analyses sur des modèles de souris génétiquement modifiées, privées de neurones transitoires ou porteuses de mutations dans les gènes identifiés comme mutés chez les malades.
Grâce à ces approches complémentaires, nous espérons mieux comprendre l’interconnexion entre le développement des vaisseaux et des neurones, et ainsi proposer de nouvelles pistes thérapeutiques pour les maladies neurovasculaires dont fait partie la VOGM.
Perspectives
Ces résultats issus de la recherche fondamentale ouvrent de nouvelles perspectives prometteuses pour la prise en charge des Anomalies Vasculaires du Développement (AVD) et des Malformations Artério-Veineuses (MAV). Ils trouveront des applications concrètes au sein du réseau de l’hôpital Necker, en étroite collaboration avec le Centre Pluridisciplinaire de Diagnostic Prénatal (CPDPN), le service de neuroimagerie, le service de neurochirurgie, le service de neuropédiatrie, ainsi que l’ensemble des experts en génétique de l’Institut Imagine. Des partenariats à l’échelle internationale sont également à l’étude, notamment avec des centres de recherches d’excellence aux Etats-Unis.
Les pilotes du projet à Imagine
Alessandra Pierani est Directrice de Recherche au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS). Elle dirige l’équipe « Génétique et Développement du Cortex Cérébral », avec une double affiliation à l'Institut Imagine (Hôpital Necker Enfants malades, Paris) et à l'Institut de Psychiatrie et Neurosciences de Paris (Hôpital Sainte-Anne, Paris) depuis 2017. Ses recherches portent sur le rôle des neurones transitoires dans le développement, l'évolution et la pathologie du cortex cérébral.
Le Professeur Nadia Bahi-Buisson est neurologue pédiatrique. Elle dirige le programme sur les maladies rares, notamment le syndrome de Rett et les malformations cérébrales, à l'Hôpital Necker-Enfants malades, APHP, Paris. Elle mène également des travaux de recherche à l'Institut Imagine au sein de l'équipe d'A. Pierani, sur la génétique et la physiopathologie des malformations cérébrales.
Le Docteur Camille Maillard est ingénieure de recherche à l'Institut Imagine. Elle s'intéresse à la physiopathologie cérébrale humaine. Elle est spécialisée en biologie moléculaire et en culture cellulaire, en particulier dans la différenciation des cellules souches.