Published on 18.10.2025
En se concentrant sur des cellules dendritiques déficientes en kinésine-1, une protéine motrice capable de déplacer des éléments le long des microtubules au sein des cellules, l'équipe de Gaël Ménasché et de Fernando Sepulveda a réussi à démontrer l'importance de la kinésine-1 pour assurer la capture des antigènes par les cellules dendritiques et leur transport efficace jusqu'au ganglion lymphatique. Les chercheurs ont identifié des acteurs impliqués dans ces mécanismes, ouvrant la voie à de futurs traitements visant à restaurer le bon fonctionnement des cellules dendritiques et donc à améliorer les défenses immunitaires.
Les cellules dendritiques sont des cellules nécessaires à la mise en place des réponses immunitaires adaptatives, l'immunité qui cible spécifiquement un élément pathogène, comme un virus, une bactérie ou des tumeurs. Ces cellules ont un rôle de sentinelle. Elles patrouillent dans les tissus à l'affût du moindre signal de danger. Dans le contexte de cellules tumorales, les cellules dendritiques sont capables de détecter leur présence et d'en isoler un antigène tumoral, puis rejoignent le ganglion lymphatique pour exposer cet antigène afin de déclencher une réponse immunitaire adaptative contre la tumeur.
La kinésine-1 sert de moyen de transport à l'intérieur de la cellule, permettant de faire circuler les « marchandises » (antigènes, organites) le long de « rails » appelés microtubules. Dans une précédente étude du laboratoire « Bases moléculaires des anomalies de l'homéostasie immunitaire », les chercheurs avaient démontré que sans la kinésine-1, les cellules dendritiques présentent moins bien les antigènes à leur surface, causant alors de moins bonnes défenses immunitaires contre les tumeurs.
Dans cette nouvelle étude, l'équipe de Gaël Ménasché et de Fernando Sepulveda au sein de l'Institut Imagine (Inserm, Université Paris Cité) a cette fois voulu analyser la migration entre le moment où les cellules dendritiques sont à la recherche d'un antigène et le moment où elles atteignent le ganglion lymphatique. Ils ont pour cela étudié les cellules dendritiques d'un modèle murin qui a l'originalité de ne pas exprimer de kinésine-1 fonctionnelle dans ses cellules dendritiques.
Pierre Duquesne, dans le cadre de son projet de thèse, a tout d'abord montré que toutes les cellules dendritiques déficientes en kinésine-1 mettent plus de temps à rejoindre le ganglion que les cellules saines. En l'absence de la locomotive (kinésine-1), leur déplacement devient moins efficace.
Les chercheurs sont allés plus loin en étudiant la vitesse des cellules dans des microcanaux. Les résultats ont montré que les cellules dendritiques déficientes en kinésine-1 avaient une vitesse moyenne plus élevée, ayant pour conséquence d'absorber moins d'antigènes que les cellules saines. Comment se fait-il que ces cellules arrivent moins vite au ganglion alors qu'elles ont une vitesse moyenne plus élevée ? Parce que leur noyau cellulaire est moins déformable, ce qui limite leur vitesse de déplacement, notamment lorsqu'elles traversent des endroits très étroits comme les parois des vaisseaux.
Les chercheurs sont parvenus à identifier les mécanismes responsables de ces dysfonctionnements : en l'absence de kinésine-1, une voie qui régule la formation de l'actine, autre type de rail de la cellule, s'emballe. Les cellules vont plus vite, mais de façon moins efficace. En corrigeant cette suractivation, les chercheurs ont pu rétablir le bon fonctionnement des cellules dendritiques.
Pour s'assurer que ces résultats ne concernent pas que la souris, l'équipe a collaboré avec celle de Mickaël Ménager pour étudier des cellules dendritiques humaines. Les mêmes mécanismes sont conservés entre l'homme et la souris.
Ces travaux ont pour objectif de mieux comprendre ce qui permet aux cellules dendritiques de scanner leur environnement et d'atteindre le ganglion, pour optimiser la réponse immunitaire face aux tumeurs. En identifiant les facteurs qui régulent leur migration, il devient possible d'envisager de nouvelles approches pour renforcer les défenses immunitaires de l'organisme.
Référence : Kinesin-1 coordinates crosstalk between microtubule and actin cytoskeletons during dendritic cell migration P. Duquesne et al., Science Advances, 2025 Corresponding author : Gaël Ménasché DOI : 10.1126/sciadv.adx7672