Cartographie de la réponse immune face au VIH

Mickael Ménager explore le système immunitaire grâce aux dernières nées des technologies : big data, intelligence artificielle, analyse par cellule unique…. Autant de moyens de mettre au jour des aspects encore méconnus de ce système de défense et ainsi mieux comprendre ses défaillances dans les déficits immunitaires ou face à une attaque virale ou bactérienne.

Publié le 27.01.2020

Accélérer la recherche

La réponse innée (ou non spécifique) est le premier rempart de notre organisme contre les agressions de bactéries, de virus ou tout autres formes d’attaques. Elle se déploie rapidement contrairement à l’immunité adaptative plus longue à se mettre en place, mais ciblée sur un intrus.

« La capacité de l’hôte, en l’occurrence la cellule attaquée, à rapidement modifier l’expression de ses gènes pour déclencher une réaction est un élément crucial de son efficacité, explique Mickaël Ménager, chargé de recherche à l’INSERM et directeur Atip-Avenir du laboratoire « Réponses inflammatoires et réseaux transcriptomiques » dans les maladies à l’Institut Imagine. Dès lors qu’un pathogène est détecté par la cellule, il s’en suit toute une série de réactions entraînant la production de certains gènes essentiels à la réponse immune. »

Equipe-recherche-Mickael-Menager

C’est un mécanisme extrêmement fin dont la moindre dérégulation peut avoir de fâcheuses conséquences. D’ailleurs on retrouve des défauts de la réponse immune innée dans de nombreuses maladies comme les infections virales chroniques, les maladies neurodégénératives, le diabète ou encore le cancer. Dans le cas de l’infection par le VIH-1, la forme la plus fréquente de VIH en France, cette première ligne de défense du système immunitaire est largement insuffisante pour assurer la protection de l’hôte et se détériore même au fil de la progression du SIDA.

Pourquoi la réponse innée ne se met-elle pas en place ?

C’est pour répondre à cette question que Mickaël Ménager et son équipe, assistés de nombreux collaborateurs en France et aux Etats-Unis, ont développé une approche mêlant expérimentations et biologie computationnelle, pour cartographier la réponse innée suite à l’infection au HIV-1 dans les cellules dendritiques. En effet ces cellules, souvent comparées à des sentinelles, explorent notre organisme à la recherche des intrus. Elles se chargent ensuite de sonner l’alarme, notamment auprès des lymphocytes T, en vue de déclencher les hostilités contre ces intrus. « En forçant le VIH-1 à infecter ces cellules dendritiques, nous avons mis au jour un réseau de 542 gènes qui eux-mêmes peuvent activer 21 862 autres gènes, détaille l’immunologiste. Avec cette cartographie, les chercheurs mettent en évidence des voies dont l’activation pourrait améliorer en quelque sorte les capacités de « lanceur d’alerte » des cellules dendritiques.

Ces réseaux d’interactions donnent donc une nouvelle vision de l’univers très complexe du système immunitaire. Ils ouvrent également des pistes en termes de voies d’activation efficaces des cellules dendritiques afin de mettre au point de nouvelles stratégies thérapeutiques.

Une découverte qui a un impact pour les maladies génétiques

« On pense que le virus du SIDA a évolué afin de ne pas infecter les cellules dendritiques, dans le but de ne pas se faire détecter, rappelle Mickaël Ménager. Lorsque l’on force le VIH (comme dans le papier de Cell Reports NDLR) à infecter les cellules dendritiques, ces dernières, équipées pour le reconnaitre, sonnent l’alarme sous la forme notamment d’une molécule inflammatoire appelée interféron de type-I (IFN-I). »

Or il a été d’ores et déjà été montré à l’Institut Imagine qu’au contraire certains patients produisent de façon excessive, incontrôlée et en absence d’infection virale, cette molécule inflammatoire qui a alors des effets très délétères sur leur organisme. La carte réalisée par l’équipe de Mickaël Ménager met potentiellement en évidence de nouvelles voies de régulation de la production de cette molécule inflammatoire. Elle ouvre ainsi de nouveaux axes de recherche pour les différentes maladies génétiques associées à une production incontrôlée d’interféron.

Ces premiers résultats émanant de la jeune équipe de Mickael Ménager laissent présager tout le potentiel de ces approches innovantes associant expérimentation et biologie computationnelle pour faire avancer la recherche sur les maladies et tout particulièrement sur les maladies génétiques.