Découverte d’une cause génétique fréquente d’auto-immunité Des variants rares aux variants fréquents : cas de la déficience en pré-TCRα

Les travaux menés à l’Institut Imagine (Inserm, AP-HP, Université Paris Cité) portent sur les maladies génétiques rares et fréquentes. L’un des objectifs des équipes de l’Institut est d’utiliser et d’appliquer aux maladies fréquentes, les connaissances obtenues par l’étude des maladies rares. L’équipe de Vivien Béziat, dans le laboratoire de « Génétique humaine des maladies infectieuses », co-dirigé par Jean-Laurent Casanova et Laurent Abel, a identifié des mutations rares et fréquentes du gène PTCRA. Les mutations fréquentes concernent des centaines de milliers d’individus au Moyen Orient et en Asie du Sud, augmentant fortement leur risque de développer une maladie auto-immune. Ces travaux font l’objet d’une publication dans le journal scientifique Science

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Accélérer la recherche

Le gène PTCRA a été identifié dans les années 90 par l’équipe du Pr. Harald Von Boehmer, à l’hôpital Necker-Enfants Malades. Il a rapidement été montré que ce gène a un rôle majeur dans la maturation des cellules immunitaires de type lymphocytes T ; les souris mutantes pour ce gène présentent très jeunes une forte diminution des cellules du thymus, organe vital de la réponse immunitaire et zone de production de cellules immunitaires. Sur cette base, les chercheurs anticipaient qu’une maladie impliquant une perte de fonction de ce gène serait associée à une absence de lymphocytes T et une maladie mortelle en absence de prise en charge dès la naissance.

Marie Materna, dans le cadre de son projet de thèse sous la direction de Vivien Béziat, au sein du laboratoire de « Génétique humaine des maladies infectieuses », s’est penchée sur les mutations du gène PTCRA chez l’Homme. En collaboration avec des laboratoires et services cliniques répartis dans 12 pays et sur 3 continents, elle a identifié 10 patients âgés de 1 à 65 ans porteurs de mutations rares inactivant entièrement le gène PTCRA. Quatre de ces patients ont été identifiés grâce à un dépistage néonatal pour la détection de maladies génétiques sévères. Cependant, à la grande surprise des chercheurs, 6 patients, majoritairement des enfants, ne présentaient aucun symptôme. Les 4 patients restant, tous adultes, souffraient d'infections sévères, d’autoimmunité et de cancers des cellules sanguines. Les chercheurs expliquent l’apparition tardive des symptômes chez ces patients par leur capacité à produire une quantité faible mais suffisante de lymphocytes T capable de les protéger durant l’enfance. Ces travaux laissent entrevoir l’existence de mécanismes de compensation encore inconnus permettant la production de lymphocytes T en absence de PTCRA. Ainsi, contre toute attente, la perte du gène PTCRA n’a de conséquences cliniques qu’à l’adolescence ou chez le jeune adulte.  

Plus surprenant encore, à partir de bases de données génétiques publiques, l’équipe a également identifié une autre mutation du gène PTCRA, présente à l’état homozygote (sur chacune des 2 copies du gène) chez un individu sur 4000 au Moyen-Orient et en Asie du Sud. Cette seconde mutation impacte moins fortement l’expression du gène PTCRA. Cependant, chez les porteurs de cette mutation, les pathologies auto-immunes (par exemple l’hypothyroïdisme, le vitiligo, la polyarthrite rhumatoïde, ou des anomalies de la coagulation) sont jusqu’à 5 fois plus fréquentes que dans le reste de la population. Ces individus ont aussi des anomalies des populations lymphocytaires, mais moins marquées que les patients porteurs d’un défaut complet de PTCRA.

Ces résultats démontrent que la fréquence des mutations dans des gènes considérés comme essentiels est parfois largement sous-estimée. Cela peut être expliqué par une apparition tardive de manifestations cliniques à l’âge adulte. Ces travaux démontrent également qu’il est nécessaire de poursuivre les travaux dans la compréhension des maladies génétiques rares afin d’acquérir une meilleure compréhension des maladies génétiques communes et développer une médecine personnalisée en fonction des besoins du patient.

 

Référence : The immunopathological landscape of human pre-TCRa deficiency: From rare to common variants

Corresponding authors: Vivien Béziat

DOI: 10.1126/science.adh4059